Chávez est mort, vive l’Amérique! Depuis son décès, survenu le 5 mars dernier, la presse tente de cerner le personnage et son legs. Pas facile tant l’information et la désinformation ont été intimement mêlées tout au long de l’exercice du pouvoir par ce président hors-norme.
Cela fait penser à un autre homme politique fort en gueule, Fidel Castro, retiré de la vie politique après plusieurs décennies au pouvoir à Cuba. Et que n’a-t-on pas entendu à son propos! Mais on se rend bien compte à cette occasion que les mot « tyran », « despote », ou « dictateur » sont insuffisants et surtout inadaptés. Dans le cas de Chávez, ses amitiés bruyantes avec Kadhafi ou Ahmadinejad laissent à penser qu’une sorte d’internationale des dictateurs existe en dehors de toute décence.
Mais s’en tenir là revient à prendre l’écume journalistique pour les faits eux-mêmes. Quoiqu’on en dise, le soutien populaire à Chávez est indéniable, même si les « anti » se font également entendre. Il y a quelque chose de plus profond qui semble se jouer là.
Certains pays latino-américains ont déploré le décès du président vénézuélien. Haute figure du socialisme, il a autant attisé la haine que la vénération, au point que l’on peut se demander comment un tel homme a pu et peut encore déchaîner à ce point les passions.
Le Vénézuéla s’est présenté comme un champion de la résistance face à des États-Unis invariablement dépeints comme des « impérialistes ». Ce vocabulaire, qui en Europe semble appartenir à un autre âge, est encore parfaitement valide en Amérique latine, c’est même une clef de compréhension puissante pour saisir l’état des relations entre les USA et le sud du continent. Un tenace rapport d’amour-haine relie ces deux ensembles territoriaux. Les USA fascinent par leur réussite économique, certes, mais leur arrogance et leur grossièreté culturelle et politique engendrent un rejet plus ou moins profond. Les « yanki » n’ont pas bonne presse. Mais le passif est plutôt lourd, surtout après les années Kissinger.
Le cas de Cuba et Porto Rico est exemplaire. Ces deux îles, très proches historiquement et culturellement (leurs drapeaux sont symétriques), on été séparées à la suite de la guerre hispano-américaine de 1898. Tous les Caraïbes sont tombées dans la zone d’influence immédiate des USA, pour le meilleur et pour le pire. A l’issue de la guerre, les USA se sont taillés la part du lion au détriment de l’Espagne. La zone a été de fait placée sous tutelle politique, économique et militaire.
Mais la révolution cubaine a contrarié cette situation. Et tandis que Cuba devenait un bastion appauvri de résistance à l’hégémonie nord-américaine, Porto-Rico devenait un sous-état américain, une colonie riche mais une colonie quand même. Autant la culture cubaine est connue dans le monde entier, autant celle de Porto Rico a failli disparaître sous le rouleau compresseur étasunien. Deux situations diamétralement opposées. Cuba paie son indépendance au prix fort, celui d’un embargo aussi injuste qu’injustifié.
Alors, pourquoi des dirigeants si autoritaires, comme Castro ou Chávez, sont-ils si populaires, et soutenus par la Chine, la Syrie ou l’Iran? Parce qu’ils résistent aux États Unis. Parce qu’ils disent non. Et parce qu’ils tentent d’opposer une autre forme d’économie, ce qui, par ces temps de libéralisme effréné, paraît presque obscène.
Au-delà de toute raison, il y a donc une affaire de dignité et de fierté qui fait fi de tous les défauts et abus de ces personnalités. Les populations sud-américaines leur passent tout à condition qu’ils donnent au moins l’impression de protéger la dignité de leurs peuples. C’est à la fois bien peu et beaucoup pour un continent qui, tout comme l’Afrique, a trop de richesses.
A noter, un site de peintures murales du monde entier: Murales Politicos
Et une tribune intéressant sur le personnage, « même pas mal », citant Hervé Kempf.