Qui a pleuré aujourd’hui dans le monde ?


Enfermé dans son palais comme tous les chefs d’Etat, vivant au milieu des décors surréalistes de la Renaissance auxquels il tente d’échapper dans une modeste résidence, le nouvel évêque de Rome, François (« venu du bout du monde« ) choisit à la fois un carrefour européen, un lieu symbolique, une porte par laquelle entre « la misère du monde » comme le disait Michel Rocard, premier ministre, mais parce que c’est l’une des plus dangereuses, des milliers de migrants y laissant leur vie chaque année.

Mais il y a plus. La petite île avait reçu il y a deux ans une promesse à un « dédommagement » pour le préjudice causé au tourisme par les images de débarquement des naufragés. Le pape a, semble-t-il, renversé la situation. En proposant à la population de prendre avec orgueil la première place dans la lutte contre l’indifférence : « Qui a pleuré aujourd’hui dans le monde ? » a-t-il demandé. N’a-t-on pas vu ce 8 juillet une scène extraordinaire : des touristes présents dans l’île qui embrassaient des migrants dans la rue et s’arrêtaient pour parler avec eux ?

Le pape a remercié la population de Lampedusa d’avoir été un « modèle » pour une Europe n’ayant pas compris la gravité des responsabilités dans les morts au large des côtes espagnoles, françaises et italiennes. Pour lui, ce massacre demande justice et doit ébranler. Comment absoudre l’Europe « d’une faute toujours plus grave à l’égard de mères, d’enfants, de jeunes et d’hommes qui finissent au fond des mers ? » se demande Franco La Cecla dans l’Osservatore Romano (11 juil. 2013).

Il est alors apparu scandaleux que les migrants soient considérés comme l’autre à repousser à tout prix. Les religions rappellent qu’il faut refuser l’indifférence.

Pour La Cecla, le pape rappelle aussi que les frontières du christianisme ne sont pas celles de l’Occident, et refuse d’identifier l’Islam, l’hindouisme, l’animisme comme les représentants d’un monde éloigné de l’Eglise catholique. Le pape François refuse le chantage d »une mondialisation qui a transformé en choc des civilisations la possibilité d’une coexistence riche et nouvelle entre confessions et cultures différentes. Lampedusa est pour lui « un écueil auquel se raccroche le désespoir de ceux qui fuient des conditions difficiles ou impossibles« .

L’île sicilienne de Lampedusa est aussi une lampe, un phare – inscrits dans le nom même de l’île – qui donne à voir une autre humanité qui aurait surmonté la division de la Méditerranée. Vue comme ça, Lampedusa prend une dimension universelle. A-t-elle encore besoin de dédommagement ?

 

 

 

 

 

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