Voilà que la hauteur « officielle » du sommet du Mont Blanc a changé. Toutes les agences de presse ont été prévenues et on évoque immédiatement la géographie, ses manuels, et cette antiquité bizarroïde de 4 807 m qui nous faisait rêver. Ce faux plat rocheux appelé on ne sait pourquoi « le toit de l’Europe » qui prend trois mètres et six centimètres serait donc l’affaire des géographes?
Certes, les géomètres-experts, les guides de haute montagne, les spécialistes de matériel GPS attendent la bénédiction de l’Institut géographique national (IGN) courant septembre. Pour planter dans le décor une altitude officielle. Car on doit imaginer que l’État paie des géomètres-experts pour renouveler les mesures tous les deux ans. Une altitude qui change régulièrement selon qu’il y a du vent ou de la neige..
Dans les mesures précédentes, le Mont Blanc atteignait 4 811 mètres. On s’est aperçu que la carte IGN note la mesure en noir. Alors qu’il s’agit d’un sommet non pas de roche, mais de glace, c’est-à-dire de la glace accumulée. La mention devrait figurer en bleu. A quoi sert-il de payer tant de monde pour un travail de cochon ?
Enfin, « ce chiffre, me dit un étudiant, on s’en tape la cloche ! Quel intérêt de s’exciter sur un soi disant record contesté par des Caucasiens » qui hissent les plus de 5 600 mètres de l’Elbrouz, lui aussi plus haut sommet de l’Europe.
A moins que ce ne soit que la magie des chiffres, la paresse, l’instinct de compétition, le volonté de domination, tout simplement, la bêtise. Ça fait déjà beaucoup.
3 réponses à “4 810 mètres : non à la géographie fétichiste”
Amusant. Mais on pourrait déplorer que le géographe ne soit pas assez dans l’émerveillement, et trop dans le caprice, lieu commun de la majorité universitaire râleuse.
Emerveillement face a une géographie physique jamais immuable, y compris dans la verticalité.
Emerveillement face a une nature, tres « haut » lieu touristique et linéaire, rare record dont on peut se prévaloir grace a notre dernier Empereur (tracé frontière, carte italienne, francaise ?)
Contempler le monde d’un de ses toits (sans jamais le voir – nuages..), élever son regard, cesser de le critiquer d’en bas, fuir l’ »en bas », la bassesse, prendre de la hauteur face aux querelles de chiffres. Se satisfaire du paysage de glace et de monts, assumer le « fetichisme » du paysage. L’altitude bouge, tant mieux !
Monument naturel, entre exploit, compétition, fierté nationale, oekoumene altitudinal, risque, mort – tantôt effleurée, tantôt atteinte – toujours plus haut. Oui, et alors ?
Oui, bien sûr ! Ce qu’on conteste juste ici, c’est le fait que les géographes soient préposés à certifier la hauteur du Mont Blanc. Un massif qui est bien autre chose, pour nous géographes, que ces 4810 mètres. Justement, une source… d’émerveillement que la géographie culturelle explore aussi.
Un vrais plaisir de lire ce billet, je vous en remercie enormement !!!