Et si les ethnologues, les anthropologues et les géographes se mettaient à produire des brevets et des licences ? Et si les psychologues montaient des start up ? Patrice Bourdelais, directeur de l’Institut des sciences humaines et sociales (SHS) du CNRS, est surpris des projets qu’il a reçu pour monter le salon consacré à la valorisation des SHS (Innovative SHS). Certes, faire de la valorisation, c’est un peu vendre son âme au diable (les exemples abondent en médecine, physique, chimie, etc., où les conflits d’intérêt ont conduit à des catastrophes) mais les technologies numériques ont décrispé l’esprit des chercheurs.
En urbanisme, on utilise les reconstitutions 3D, les programmes simulations pour aider les collectivités locales (« serious games »). Le salon Innovative SHS a montré comment une application développée par le labo Littoral, Environnement et Sociétés peut aider à développer le tourisme. A Paris, i-Lab (une structure créée au sein de la direction R&D d’Air Liquide) accueille les chercheurs qui travaillent sur les innovations de rupture : ce n’est pas la chimie qui en forme le coeur, mais les SHS !
La visite du salon a permis de comprendre le rapport entre un moustique qui propage la dengue dans une métropole asiatique et un automobiliste rouennais. Leur comportement est simulable avec le logiciel Magéo. Un outil conçu par le laboratoire Identité et différenciation de l’espace, de l’environnement et des sociétés (Idees) qui permet la géosimulation dans de multiples domaines. Les géographes du labo se sont rapprochés des épidémiologus pour étudier les mécanismes de la diffusion de la dengue à Delhi et Bangkok. En notant l’abondance des pontes, la présence d’eau dans les climatiseurs qui permet au logiciel de simuler la propagation de la maladie. Dans quel but ? Pour prévoir l’impact de telle mesure de prévention, et maximiser l’efficacité du dispositif. Démarche identique pour le second test : quelles sont les répercussions d’une explosion d’installation Seveso sur le réseau routier rouennais, en fonction de l’heure de l’accident et de l’état du trafic.
Passer de l’image fixe de la géographie à une image animée, un micro-monde virtuel.
Quand les géographes ne se contentent plus de décrire le monde, ils l’anticipent et, in fine, le façonnent.
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Pour en savoir plus : les articles de Yann Verdo, Les Echos, 21 octobre 2013