(Megan Young, 23 ans, Miss Monde 2013)
Miss Monde n’est plus chinoise. Wenxia Yu, 23 ans, 1m77, avait décroché le titre en 2012 et a dû rendre sa couronne en 2013 à Miss Philippines, Megan Young, 23 ans,élue dernièrement à Bali. Les Chinois sont ulcérés : comment un pays qui compte un être humain sur cinq peut-il être à ce point humilié ?
Un déni de géographie ?
D’autant qu’il y a un hic. Cette pulpeuse jeune femme, née aux États-Unis, a passé sa petite enfance à Manille qu’elle a ensuite quitté à l’âge de 10 ans. Comment a-t-elle pu se présenter sous le drapeau philippin ? La France a pu, pour une fois, se mesurer aux grandes puissances puisque parmi les 128 «reines de beauté», la délicieuse Marine Lorphelin, étudiante en médecine, s’est classée deuxième, à un cheveu du podium, juste devant Miss Ghana, Miss Espagne, Miss Brésil, Miss Gibraltar.
Avant son retour au Portugal, ma gardienne me racontait qu’elle aimait beaucoup les concours de Miss Monde. Se moquant de moi qui raillait cette géographie-là : « Ces compétitions m’obligent à pointer sur une carte tous les pays, à connaitre leur capitale et leurs religions » plaidait-elle. Bingo, Maria ! Jakarta, à majorité musulmane, a vu défiler des manifestations anti-Miss Monde et obtenu que le défilé des jeunes filles en maillot de bain soit supprimé. Il fallait bien apprendre les religions.
Pour la dernière élection de Miss Monde, la station balnéaire huppée de Nusa Dua, dans le sud de Bali, avait été selon l’Institut français de géopolitique créé par Yves Lacoste, transformée en camp retranché. Les hôtels de très grand luxe étaient cernés par des forces antiémeutes, 675 policiers et leurs chiens, leurs canons à eau. Tous avaient en mémoire l’attentat de 2002 fomenté déjà par des islamistes. Les ambassades occidentales avaient été prévenues qu’elles risquaient un attentat qui ne serait pas à la pudeur. Une aberration : Bali est une île à majorité hindouiste et non musulmane comme le reste du pays.
Le monde sur ses épaules
Le nouveau métier « mondial » de Megan Young n’est pas coton. Comment une si frêle créature peut porter sur ses épaules toute la beauté du monde ? Les hôtels internationaux ne sont pas équipés d’une chambre des larmes comme au Vatican où le nouvel élu pape se retire quelques instants pour évacuer le stress avant l’apparition à la foule de la place Saint-Pierre. «Vous savez, j’ai toujours dit que je resterai moi-même mais, en tant que Miss Monde, c’est de la folie de m’entendre dire ça», a-t-elle déclaré, un peu perdue, juste après avoir été désignée, sans pouvoir finir sa phrase et en s’effondrant en pleurs.
Miss Baguettes
La Chine pourrait lancer, pour éliminer toutes les concurrentes occidentales, un concours de « Miss Baguettes ». Il s’ajouterait aux autres compétitions : « Miss avec une cause », le titre le plus important de ce concours, porté en 2012 par l’Indienne Vasuki Sunkavalli, investie dans la promotion de l’éducation auprès des enfants de son pays. La jeune femme, âgée de 20 ans, est étudiante en électronique et rêvait de faire carrière à Bollywood. La géopolitique a foudroyé cette année-là Miss France, Delphine Wespiser, engagée dans la cause animale qui n’a pas convaincu les Asiatiques qui adorent manger les animaux. La France n’a gagné le concours qu’une seule fois avec Denise Perrier en 1953. Les jurés sont ingrats.
« Miss Plage » a été remporté par Miss Pays-de-Galles, grande brune aux yeux bleus lagon. « Miss activités numériques» a été remporté par une Fleur Pellerin indienne et le titre de « Miss Sport » par une Suédoise. «Miss avec un talent» a été gagné par Miss Chine, qui a présenté un numéro lyrique. Enfin, le titre de « Miss Top-modèle » est revenu à Miss Sud-Soudan. Une consolation pour ce pays oublié.
Miss Univers
Créé en 1951 par un couple de Britanniques féru de géographie, les Moore, le concours Miss Monde dépasse en prestige la grosse machine Miss Univers, que fait tourner le milliardaire Donald Trump. Le pauvre homme ne parvient pas à élargir le nombre des concurrentes : l’Indonésie et l’Algérie n’aiment pas les épreuves en maillot de bain, le Mozambique, l’Arménie et le Népal sont si pauvres qu’ils ne peuvent s’acquitter des frais de franchise très élevés que le milliardaire ne veut pas prendre en charge.
En attendant, la Chine n’a pas dit son dernier mot. Avec son classement de Shanghai, elle tient la dragée haute à toutes les universités du monde. Un concours qui vaut tous les trophées de Miss Monde.
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Pour compléter le dossier:
« Miss Musulmane », l’islam face à Miss Monde.
Une juge malaisienne, Jameyah Sheriff, organise un premier concours international pour « désigner une personnalité forte, quelqu’un qui aide sa communauté et prouve que la beauté n’est pas que corporelle« . 20 concurrentes venues d’Iran, de Malaisie, de Brunei, du Nigeria, etc. La compétition se déroule en Indonésie aussi, avec trois jours de stage spirituel, lever à 3h30 pour la prière : « Nous voulons montrer au monde que l’Islam, c’est beau » argumente Obabivi Aishah, du Nigeria, à l’AFP. Une manière de répondre aux manifestants anti-Miss Monde stigmatisant la compétition comme « un concours de prostituées« .
Si la beauté n’est pas que physique, le concours Muslimah World est centré sur l’apparence physique : poids et taille des candidates sont sur internet, un site sponsorisé par une marque de maquillage halal.
Pas d’hôtel international clinquant, mais un centre commercial bien sobre de Jakarta, éclairé de quelques lanternes marocaines. Le concours s’est tenu juste avant celui de Miss Monde pour montrer qu’une « alternative existe pour les musulmanes » selon la fondatrice Muslimah Eka Shanti, présentatrice à la télévision indonésienne, licenciée pour avoir refusé de retirer son hijab. Mais l’idée lui était déjà venue après le 11 septembre 2001.