La culture au temps de Mon Général, avec Malraux qui se rêvait en prix Nobel (sans l’avoir obtenu, à son grand regret), ça se mesurait ainsi devant les députés : « Mesdames, Messieurs, ce que je vous demande, c’est exactement vingt-cinq kilomètres d’autoroute ». Telle était la jauge du « progrès » à l’époque où il fallait décentraliser la culture avec des parlementaires plus habitués aux rentes des comices agricoles qu’aux royalties de la Nouvelle Vague.
Rapportée par Le Monde il y a quelques jours, on a entendu à nouveau cet argument du socialiste Pierre-Alain Muet en première lecture du budget de la culture. Ça nous rappelle un autre fameux instrument de mesure qui est le nombre d’Airbus. On disait que tel budget, c’est tant d’Airbus. Comme on a dit parfois que l’industrie automobile ou l’agro-alimentaire, c’étaient le premier poste des exportations françaises. Mais supprimons le champagne et les spiritueux, il reste quoi sans les bulles ? La moitié ? Et surtout, qu’est-ce que cela vous apporte, cette histoire d’Airbus ? Songez aux Américains toujours prompts à compter la consommation de Coca en « x tours de la Terre« .
Ces jours derniers, on a appris que les industries de la culture et de la communication ont apporté au budget de la France plus que l’automobile (mal en point en ce moment, il est vrai). La comparaison est plus parlante et mérite qu’on y regarde à deux fois lorsqu’on parle de ces activités toujours mal jugées.
On rappellera à François Hollande qu’il avait proposé de « sanctuariser » la culture. Soit 1% du budget de l’Etat pour de la création – spectacle vivant, arts plastiques… -, la transmission des savoirs et la démocratisation culturelle, ainsi que le patrimoine, le total pour une enveloppe totale de 2,7 milliards d’euros. Rapportés en bitume, c’est 435 kilomètres. Qu’en pensez-vous ? Rien, sans doute. Pas plus que les Airbus. D’ailleurs, les spécialistes de la culture s’enthousiasment pendant que d’autres se plaignent… Affaire de regard. D’autant qu’à vouloir grignoter 1 ou 2%, on ment aux Français qui savent pertinemment que produire une pièce de Molière ou un opéra, cela nécessite autant d’efforts qu’au XVIIe siècle. Et même pour des coûts croissants (l’éducation artistique et culturelle, c’est 6 kilomètres de goudron autoroutier).
On attend de grandes révélations sur les retombées économiques et sociales du secteur culturel. Manière de dire que la culture, ce n’est pas que des dépenses. Et que les artistes nous coûtent cher mais nous rendent la monnaie !
En tout cas, décollons du bitume pour comprendre que la culture saurait être mieux évaluée qu’au temps du Général. Utilisons des mesures comme le patrimoine inestimable de nos musées. A moins qu’on dise un jour : les Airbus, les autoroutes, combien de Joconde ?
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Geographica a publié aussi un article sur le Louvre Lens