Contre le racisme environnemental


Le centre de déchets nucléaires de Bure (Meuse)

Razmig Keucheyan n’y va pas par quatre chemins : dans son livre La nature est un champ de bataille (La Découverte, 176 p.), l’environnement produit un « racisme » qu’il met à peine entre guillemets. Le sociologue insiste sur les inégalités face aux effets des crises environnementales. Une idée née aux États-Unis où l’attention aux minorités a conduit les Églises et certaines ONG à s’intéresser à la localisation des déchets qui se fait préférentiellement à proximité des quartiers noirs. Un peu comme nos déchets nucléaires dans ce petit village du département de la Meuse qu’est Bure. En plus d’un isolement social et géographique, les « pauvres » doivent supporter de vivre à côté des déchets des sociétés riches, avec impacts sanitaires garantis.

Mais comme pour les enfants des sociétés pauvres condamnés au travail pour nourrir leurs familles plutôt que d’aller à l’école, comme ce fut le cas dans la France ouvrière du XIXe siècle, le raisonnement ne serait-il pas de dire qu’il vaut mieux protéger l’industrie qui donne du travail aux pauvres (et accessoirement les déchets des riches) plutôt que de mettre en avant la qualité de la vie ?

Dans les courants contestataires du mouvement ouvrier, on a toujours insisté sur les effets dévastateurs du développement industriel.  Pour Keucheyan, le marxisme n’était pas productiviste, quoi qu’en disent certains écologistes. Marx pensait que la logique du capital et les équilibres naturels étaient incompatibles. Et il dénonçait la santé endommagée des ouvriers du fait d’un environnement naturel dégradé.

Est-ce que les écologistes ont raison de penser que le capitalisme court à sa perte, en abusant des ressources naturelles ? En exigeant toujours plus de capitaux pour des énergies de plus en plus chères ? Keucheyan pense que le capitalisme « produit des crises mais aussi des anti-corps à la crise, des mécanismes permettant d’en atténuer les effets sur les taux de profit » (1). La nature investie par la finance comme les dérivés climatiques ou les obligations-catastrophes cherchent à profiter de ces crises. Seule « une action collective et organisée – une action révolutionnaire – indissociablement écologiste et anticapitaliste, est nécessaire » pour faire disparaître ce système.

 

 

(1)    Le Monde, 28 mars 2014, « La définition de ce qu’est l’environnement est l’enjeu d’une bataille politique »

 

 

 

 

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