Le Kenya a arrêté plusieurs milliers de Somalis sous prétexte de « remettre de l’ordre » et de pourchasser des terroristes. Environ 4000 personnes, hommes, femmes et enfants, ont été arrêtés sans distinction et littéralement parqués dans un complexe sportif de la capitale. En fait, la rafle, car c’en est une, a été effectuée dans un quartier, Eastleigh, surnommé little Mogadiscio à cause de la population majoritairement d’origine somalie. D’origine, car beaucoup des personnes arrêtées sont bien de nationalité kenyane, même s’ils sont d’origine somalie! Mais il est presque impossible aux avocats de collecter des informations, et les journalistes de France Culture qui ont pu se rendre sur place n’ont pu avoir que des renseignements lacunaires. Selon Le Monde, environ 1600 personnes auraient été relâchées lundi. Les conditions de détention sont très pénibles et des femmes enceintes se retrouvent prisonnières sans eau ni nourriture.
Les chababs, ou shebabs, somaliens sèment le trouble au Kenya, mais est-ce suffisant pour arrêter plusieurs miliers de personnes de manière arbitraire et totalement indistincte? Plus largement, on peut s’interroger sur le bien-fondé d’un nationalisme kenyan qui se nourrit de xénophobie. Le ministre de l’intérieur Ole Lenku déclare: « Eastleigh fonctionnait comme s’il ne faisait pas partie du Kenya », comme le rapporte le Monde.
Mais comme l’ »ivoirité » lancée par Henri Konan Bédié en côte d’Ivoire s’est faite contre les burkinabe et la Centrafrique s’est déchaînée contre les musulmans du pays, on voit les effets d’un nationalisme de mauvais aloi. Si tant est qu’un nationalisme de bon aloi existe, car c’est sans doute le concept européen qui aura, tel un enfant monstrueux des Lumières, fait couler le plus de sang de toute l’histoire de l’humanité.
Pour le moment, le Kenya met en avant le « terrorisme » et le retour à l’ordre pour incarcérer de manière abusive une partie de sa population. On voit bien que la nationalité est une notion à géométrie variable et sujette à l’arbitraire.
Ci-dessus: l’entrée du stade interdite. Photo: AFP/Tony Karumba