Les dirigeants européens se sont retrouvés à Paris le 11 janvier 2015, non pas dans leurs forteresses habituelles mais pour battre le pavé à la suite d’une série d’assassinats et prise d’otages ayant causé la mort de 17 personnes, dont plusieurs journalistes. Plusieurs millions de personnes ont manifesté leur solidarité avec les familles des victimes et leur résolution de ne pas laisser la peur envahir la France. Mais le brouillard sur les motivations des assassins ne s’est pas totalement dissipé, même si les chercheurs se sont mis en quatre pour comprendre ces coups de folie.
Pendant ce temps, sur les écrans, un cinéaste mauritanien donne des clés avec son merveilleux Timbuktu que deux jeunes géographes spécialistes de cinéma ont commenté abondamment et avec talent sur leurs blogs. Voir ce film est salutaire pour comprendre la complexité des défis qui nous attendent.
Manouk Borzakian plante le film ainsi : « Révolté par la lapidation, en juillet 2012, d’un couple coupable de ne pas s’être marié devant Dieu, le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako se lance, dans l’urgence, dans ce qui va devenir le magnifique Timbuktu, en compétition à Cannes début 2014. Une révolte qui tient aussi à l’indifférence occidentale devant de tels actes, puisque les médias ne vont vraiment s’intéresser à ce qui se joue au Mali que lors de l’entrée en guerre de la France en 2013 et, surtout, suite aux exécutions d’humanitaires et de journalistes européens et nord-américains. Sissako montre que les premières victimes des djihadistes salafistes sont des musulmans, en particulier à travers de saisissants dialogues entre un imam et un représentant des salafistes, le premier montrant au second que son interprétation du Coran ne vaut pas bien cher, et qu’il est bien assez difficile d’être en paix avec soi-même pour ne pas aller expliquer aux autres ce qu’ils doivent ou ne doivent pas faire. [lire l’article ici]
Quant à Bertrand Pleven, il entre dans le vif géographique du sujet ainsi : « Bamako-Tombouctou, l’axe urbain que le cinéaste Abaderrahmane Sissako trace entre son dernier film et celui de 2006 rend visible une terrible trajectoire africaine. Dans Bamako, la cour d’une maison de la capitale malienne devenait l’épicentre d’une résistance. De cet interstice – poreux – entre espace privé et public naissait, souvenons-nous, le théâtre d’un improbable tribunal mettant en accusation Banque mondiale et FMI dans les drames continentaux, l’espace d’une parole plurielle et ascendante. L’idée et l’idéal donnaient forme à l’espace. Timbuktu dresse une dynamique résolument inverse, une autre géographie de la justice, descendante, issue d’une voix unique. Là-bas et maintenant, l’idée fanatique déforme l’espace en dénouant les liens ». [lire la suite ici]
Peut-on faire le pari que ce film aide à dénouer, en partie, ce noeud que des imbéciles sociopathes ont tenté de couper avec une kalache en tuant des innocents ?
Une réponse à “République-Nation, un chemin qui mène à Timbuktu”
Bonjour, avant deux séances « spéciales » (ce mardi et mercredi soir) de « C’est dur d’être aimé par des cons », le petit cinéma d’art et d’essai de Saint-Dié-des-Vosges, Capitale Mondiale de la Géographie, a Timbuktu à l’affiche en ce moment même (je me suis laissé dire que le vrai Tombouctou, où le film n’a évidemment pas été tourné, ne ressemble pas du tout à ce qu’on voit)