Devant ce que Le Monde appelle le 11-Septembre français, la séquence qui se joue aujourd’hui après le drame est la traque. La traque aux assassins. Dans les villes et les forêts, comme dans le passé lorsque les gabelous couraient après Mandrin dans le Dauphiné. Le grand large avant que le filet ne se referme petit à petit.
Cet épisode policier avant la phase politique de la manifestation du 11 janvier, puis la phase judiciaire avec l’enquête et le futur procès amène à penser au film Chasse à l’homme de Fritz Lang (1941). Certes, le chasseur de fauves anglais, Thorndyke, qui parvient à s’infiltrer sur une terrasse pour tuer Hitler en 1939 n’a pas d’analogie avec la police et les deux fugitifs traqués aujourd’hui. Mais le jeu d’acteurs rappelle, s’il en est besoin, que l’espace est, pour l’être humain, bien plus opaque que transparent. Que la vie est une perpétuelle lutte entre la lumière et la nuit, la lumière des mises en scènes humaines, la nuit pour se dérober aux regards et garder ses espaces à soi.
Car lorsque le tireur est démasqué et arrêté avant son forfait, il explique à Thorndyke que son action est un défi, qu’il agit non seulement pour tuer le dictateur allemand, mais pour le plaisir de la chasse. L’occasion est trop belle pour Thorndyke de compromettre les autorités anglaises. D’où la proposition qu’il fait au chasseur de signer une confession comme quoi il agit sur ordre de son gouvernement, ce qui lui vaudra sa libération. On ne racontera pas la fin de l’histoire par la mort de Hitler, mais on peut montrer quelles sont les très nombreuses occasions d’utiliser l’espace pour prendre des positions avantageuses, en négocier l’usage et se poser en victorieux.
Ce jeu de cache est l’une des expériences les plus fortes que fait l’être humain dans ses rapports au monde. Exposé par les nouvelles technologies, traqué par les services développement et marketing des entreprises souhaitant étendre leur influence sur les consommateurs, l’être humain joue à cache-cache. Je me montre et je me retranche. Sauf qu’aujourd’hui, les technologies laissent beaucoup de traces et la chance de se dissimuler totalement est rare.
L’exposition est maximale dans le cas de la prise d’otages. A Dammartin-en-Goële, on est sur une scène digne du Golgotha et de l’échafaud. La mort rôde. Si elle a lieu, elle est rapide comme le coup de guillotine. Le lieu est stigmatisé. La vie suit son cours.