Dans la joute mondiale que livrent des firmes américaines pour accroître leur business, le journaliste Olivier Bénazet a livré son analyse sur l’excellent site de Franck Pinay-Rabaroust Atabula que nous recommandons à tous ceux qui s’intéressent à l’alimentation. J’en profite pour vous donner des nouvelles mi-2015 de la firme que vous trouverez ici (elle va mal, rassurez-vous)
De sinistres clowns, récents agresseurs de badauds, se virent illico condamnés par la justice. Dire que, depuis cinquante ans, Ronald le pervers continue son massacre en toute impunité ! Combien sont-ils, entrés guillerets dans son antre, à en ressortir flatulents ? Combien de ses adeptes forment à présent la clientèle de chirurgiens spécialistes des gastroplasties ?
Les fast-foods de ce sinistre bouffon affichent fièrement leur totem indécent, haut pilier chapeauté d’arches dorées visibles des centaines de mètres à la ronde, érigé au milieu du parking d’un centre commercial en un magnifique doigt d’honneur au monde de la restauration. Échappées des cuisines, les odeurs pestilentielles de graisses rances et d’acides gras trans saturent l’atmosphère extérieure, laissant songeur l’esthète des sens quant au succès populaire de tels enfers alimentaires. Pourtant, le damné qui passe devant ce Cerbère au nez rouge et à la salopette jaune, arbore toujours un sourire enchanté. Aurait-il le nez bouché ? Car nul besoin de le fouetter pour son entrée dans la géhenne. Il s’y rend sautillant et, s’il ressort en rotant, il saura dire qu’il a aimé. Ainsi, du soir au matin, la gargote postmoderne ne désemplit pas. En une eucharistie démoniaque, les voitures s’enfilent en longues queues au drive-in, où, en guise de cantiques, les autoradios éructent leurs basses. Au terme de la procession, les bras grassouillets du conducteur se tendent prêts à recevoir l’hostie, euh ! la pâture délivrée par l’un de ces jeunes tâcherons sacrifié sur l’autel de la consommation et dont le taux de cholestérol grimpera par simple imprégnation cutanée ou parce que, employé distrait, il n’a pas lu les conseils nutritionnels professés en coulisse par l’angoissant Auguste (sur le réseau intranet américain de sa boutique, une note du clown bienveillant informe explicitement ses employés de ne consommer ni burger, ni frites, ni Coca, car mauvais pour la santé, donc le rendement du personnel). Au final, rien d’alléchant et, pourtant, Ronald sévit toujours.
Amen !
Me direz-vous, certains aiment les fessées, d’autres les élancements intestinaux. Alors le masochisme serait un attribut de l’homo œconimicus ? Oui, vous comme moi y êtes entrés un jour et avez consommé. Après ? Vous avez aimé et êtes revenus ? Vous n’y reviendrez plus tant les douleurs entériques furent terribles ? Quel que fut le résultat de cette expérience, lisez la suite. Vous saisirez mieux le fonctionnement de votre cerveau, que vous soyez maso ou le partisan anarchiste du démontage de ces chaumières. Là, vous obtiendrez la réponse que vous vous êtes toujours posée. Qui domine chez vous du putamen ou du cortex préfrontal médian ? Accessoirement, vous comprendrez mieux sur quoi repose le succès de ces pourvoyeurs en malbouffe et toutes ces fautes de goût.
Voici l’histoire. Il était une fois un monstre libéral qui naquit de la collusion de la science avec le monde du commerce. On le baptisa Neuromarketing. Cet hybride use des techniques d’imagerie cérébrale à des fins publicitaires. L’IRM fonctionnelle fournit des images en temps réel de l’activation d’un cerveau exposé à une affiche publicitaire, un message télévisé, un emballage, un clown. Ses parents l’utilisèrent pour concevoir les messages les plus efficaces, entendons ceux qui influenceront le mieux les gogos que nous sommes. Mais cette technique mise entre de bonnes mains a permis de résoudre certains paradoxes du goût chez le consommateur. Par exemple, dès les années 1970, les experts en marketing se sont heurtés à une énigme se rapportant à la consommation du Coca-Cola. Si l’on donne à boire un verre de Pepsi et un verre de Coca-Cola à des sujets qui ignorent la marque de boisson absorbée, la majorité préfèrera le Pepsi. Ça fonctionne à tous les coups. Pourtant, Coca-Cola domine sans peine le marché mondial.
Read Montague, de l’Université de Houston, a fait passer le test à des personnes allongées dans un appareil d’IRM. Les volontaires devaient boire du Coca ou du Pepsi, ignorant quelle marque ils consommaient. Les résultats révélèrent une différence d’activation dans une zone du cerveau nommée putamen, considérée comme le centre nerveux des valeurs gustatives et du sentiment de satisfaction. Le Pepsi stimule plus cette zone que le Coca. Son goût procure donc plus de plaisir.
Les chercheurs répétèrent l’expérience avec les mêmes sujets, indiquant ce coup-ci quels échantillons contenaient le Coca-Cola. Les cobayes affirmèrent majoritairement que ceux-ci avaient meilleur goût. Surprise, sur les images cérébrales, en plus du putamen, une autre zone s’était activée juste avant, dès la prise de connaissance qu’il s’agissait de Coca-Cola : le cortex préfrontal médian. Cette aire bien connue fonctionne lorsqu’on se livre à des raisonnements et à des jugements de valeur. Puisqu’elle est activée par la conscience de boire du Coca-Cola, cela indique que les sujets se livrent à une évaluation abstraite de leur sensation, faisant intervenir des connaissances acquises consciemment ou inconsciemment. Coca-Cola est une marque reconnue, vantée par des célébrités, associée à des valeurs sportives. Le fait que cette boisson soit appréciée par beaucoup la rend désirable avant même d’y avoir goûté. Même en matière culinaire, la renommée, un bon buzz, un clown qui glisse en bonus avec le cheeseburger des cadeaux en plastique fabriqués par des petits asiatiques, primeront sur la valeur gustative intrinsèque dans un cerveau assujetti à l’air du temps, au succès public et au marketing. C’est une constante de la psychologie humaine, déjà observable chez les bébés qui s’intéressent surtout aux jouets manipulés par d’autres congénères. Cette forme de désir mimétique s’appuie sur le cortex préfrontal médian. Voilà donc le responsable du mauvais goût : notre cortex préfrontal médian nous fait aimer ce qu’aiment les autres, ce qu’on nous incite à aimer avant même d’y avoir goûté. Il écrase de sa supériorité le putamen responsable de jugements bien plus intimes et personnels. Les désirs acquis par la masse écrasent le goût de l’individu.
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Pour l’optimisation fiscale pratiquée par McDo qui lui permet de soustraire plusieurs centaines de millions d’euros au fis français, lire l’article de Dan Israël sur Médiapart