N’en déplaisent à certains géographes adeptes de la méthode Coué du productivisme agricole qui veulent « nourrir le monde », ce que personne leur a demandé de faire, d’éminentes chercheuses dont Esther Duflo (Collège de France, MIT) ont présenté des résultats probants dans la lutte contre l’extrême pauvreté (1). Un programme global touchant six pays qui sont parvenus à améliorer les revenus et la santé des plus pauvres du monde.
Quels exemples ? Celui de Bengalis qui voyaient mourir leurs enfants de faim, devant vivre sans toit sous la pluie. Il y a dix ans, certains reçoivent des animaux et une formation à l’élevage. Ils parviennent à développer leur troupeau, vendre leurs animaux pour construire une maison en brique, monter une petite ferme, vendre les surplus (canards, légumes) au marché pour acheter un bout de terre.
Plusieurs milliers de personnes ethiopiennes, honduriennes, indiennes, pakistanaises, ghanéennes et péruviennes ont bénéficié de programmes dont la revue Science (15 mai 2015) a rapporté les résultats. La population vivant dans l’extrême pauvreté a diminué de moitié entre 1990 et 2010. Même si plus d’un milliard d’humains vivent encore en-deçà du seuil de subsistance.
Le programme de BRAC (cité ci-dessus) offre des services comme un capital animal en nature, une machine à coudre et un petit pécule mensuel (pouvant aller jusqu’à 63 euros) les aidant à ne pas vendre leur capital productif. Eduquées à la santé, la nutrition, au savoir scolaire, les familles aidées parviennent à épargner pour passer le cap des « chocs » d’une vie. Capital productif, mais aussi accompagnement durable.
Esther Duflo, professeur d’économie au MIT et directrice associée du Poverty Action Lab, citée dans l’article : « Ces résultats probants se vérifient sur l’ensemble des sites suivis qui, relevant de six pays sur trois continents, recouvrent une grande diversité de contextes. Ce qui rend ces résultats d’autant plus solides. (…) ) » « Une telle approche globale est essentielle pour construire les -conditions d’une activité rémunératrice et durable. L’aide au développement des grands bailleurs comme des gouvernements locaux, fonctionnant en silo, n’agit souvent que sur un seul levier (la santé ou l’éducation ou la production agricole…). Or, si les populations sombrent dans la pauvreté, c’est parce qu’elles n’ont souvent pas la capacité financière de faire face à des chocs – hausse des prix alimentaires, sécheresse – entraînant des pertes de cultures…. » pour Clara Jamart, responsable du programme Plaidoyer pour la sécurité alimentaire pour l’ONG Oxfam.
L’équipe de chercheurs assure que cette stratégie est l’une des clés pour atteindre le premier des Objectifs de développement durable actuellement en discussion aux Nations unies : éradiquer totalement, d’ici à 2030, l’extrême pauvreté.
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(1) Article de Laetitia Van Eeckhout, Le Monde 18 mai 2015.
Une réponse à “Eradiquer la pauvreté, une méthode éprouvée”
Vaccin ou sérum ?
Ce que Louis Pasteur nous a laissé est avant même qu’une compréhension des mécanismes de micro biologie, une philosophie visant à éradiquer le mal par le mal. Mais cela ne s’applique jusqu’à preuve du contraire qu’aux affections contagieuses en rendant inoffensif le vecteur qui en est responsable. S’agissant d’éradication de l’extrême pauvreté, et en restant conforme à cette logique, la suppression de la contagion ne pourrait donc s’opérée qu’en agissant sur le vecteur générateur du mal. Or de quel vecteur s’agit-il ?
L’extrême pauvreté ne nait-elle pas de l’extrême richesse ? N’est-elle pas une conséquence géométrique du fonctionnement de la société productiviste, qui ne fait que produire, exploiter, consommer, et générer des déchets. Face au nombre, à la quantité, aux volumes colossaux, nous en sommes bien arrivés à boucler cette affaire en poursuivant ce processus par la gestion des déchets, le recyclage, enfin bref l’économie circulaire, qui vise à réutiliser, réintroduire le déchet retraité dans le mécanisme.
Lorsque l’on parle d’individus, d’Hommes de Femmes et d’Enfants, bien sûr il faut choisir ses termes et utiliser un vocabulaire plus umanitaro-social qu’industriel, mais la logique appliquée n’est-elle pas identique ?
Même si les Nations Unies semblent enfin se préoccuper de la détresse de toutes ces personnes auxquelles personnellement je pense quand il m’arrive de jeter un reste de poulet ou de riz, d’utiliser l’eau potable de manière intempestive, il n’en reste pas moins que parler d’éradication reste un confort verbal et philosophiquement nauséabond qui nous écarte définitivement du concept de partage d’entre-aide et de solidarité, mais avons-nous individuellement d’autres choix que de cautionner cette démarche ?