Etes-vous Nantais ? Si oui, vous pouvez acheter une carte rouge et blanche, avec une puce pour payer vos achats en « soNantes » et non en euros… Depuis le 28 avril, cette monnaie locale a rejoint les trente devises qui circulent en France (il y en a autant en projet, d’après l’excellent article d’Anaëlle Penche sur Socialter)(1) comme Abeille à Villeneuve-sur-Lot, eusko au Pays Basque, radis à Ungersheim (Haut-Rhin). On les doit à la crise.
Attention, elles ne concurrencent pas l’euro mais agrègent autour d’une monnaie commune un réseau de commerçants et d’entrepreneurs locaux. Une manière d’inciter à se fournir sur un territoire. Anaëlle Penche cite Montreuil et sa « pêche », monnaie locale née de la conversion de quelques euros en pêches dans un bureau de change de la ville pour payer des fleurs, du pain et que le fleuriste ou le boulanger utilisent pour payer leurs factures chez le pépiniériste ou le meunier. Même chose à Toulouse avec les « sols-violette » depuis 2011.
Slow Money veut redonner de la valeur à l’échange, du sens à la monnaie, en évitant de reproduire les tares du système actuel. Pas d’épargne possible de « pêches » ! Pour Philippe Derrrudet, rapporté par Anaëlle Penche, « seuls 2% de la masse monétaire en euro circulent au sein de l’économie réelle ». Et pour éviter cela aux monnaies locales, elles sont « fondantes », perdent de la valeur au fil des mois… Pas question de financer n’importe quoi : il faut de l’éthique, du solidaire, du social.
Les « sols-violette » toulousains alimentent des comptes dans des banques solidaires permettant de financer des micro-crédits ou des projets sociaux. Dix mois par ans, des chômeurs toulousains reçoivent 30 sols à utiliser comme bon leur semble chez 200 prestataires partenaires pour faire connaître cette initiative. Discussion, ensuite, avec l’idée que la monnaie ne doit pas être autre chose qu’un facilitateur de lien social.
En Ile-de-France, des projets sont dans les cartons. Il y a des freins indiscutables comme les fournisseurs pas assez nombreux. Mais les pouvoirs publics prennent la mesure des apports de cette utopie : à Nantes, la métropole met 2 millions d’euros au panier pour la société So-Nantes qui gère la monnaie locale. Le Crédit municipal gère la devise et, d’après Anaëlle Penche, les chambres de commerce et d’industrie sont impliquées.
Il y a 5 000 monnaies complémentaires dans le monde, représentant 26 000 euros en moyenne, et 450 utilisateurs face à 90 commerçants impliqués.
___________
(1) Socialter, n°11, juin-juillet 2015. La revue propose un dossier sur le bitcoin, et un entretien avec Philippe Herlin, auteur de La fin des banques, Eyrolles, 2015.