On aurait attendu l’exotisme. C’est l’érotisme qui s’empare de la planète des gyrovagues. Et pas que durant l’été lorsque la température monte sur les lieux touristiques, où une ébullition libidinale saisit les tripes des visiteurs. Se mettre nu en public devant des monuments, est-ce de l’inconscience ? De la bêtise ? De l’ignorance. Sans doute. Mais encore…
Rien ne vaut de partir de faits : dix touristes canadiens, hollandais et allemands ont été accusés par les autorités malaisiennes d’avoir provoqué un tremblement de terre avec un « selfesse » le samedi 6 juin 2015 au mont Kinabalu. Le 30 mai 2015, ils se sont pris en photo tous nus au-dessus des nuages depuis la base du sommet du Kinabulu (4 095 m d’altitude).
C’est un séisme de magnitude 6 secouant la montagne sur l’île de Bornéo qui a mis le feu aux poudres. Sans doute parce qu’on comptait 16 victimes. Cécile Bourgneuf (1) a interrogé le chef local, Joseph Pairin Kitingan : « C’est une montagne sacrée, et il ne faut pas prendre cela à la légère. Peu importe si le reste du monde n’y croit pas. C’est ce que nous croyons. Et le tremblement de terre est la confirmation de nos croyances. »
Alors que le guide demandait aux touristes de se rhabiller, il s’est fait insulter. La police a retiré le droit de quitter le pays et compte les traduire devant un tribunal pour « avoir manqué de respect à la montagne sacrée ». Un rituel traditionnel est prévu pour « apaiser l’esprit de la montagne ».
En Égypte, selfese à Gizeh eu Cambodge à Angkor
Amichay Rab, touriste israélien, s’étale sur son blog lors de son voyage en Amérique latine. D’autres touristes ont noté sur leurs comptes Facebook et Twitter les lieux où ils ont pu poser fesses en l’air : Sainte-Sophie à Istanbul, Grande Muraille en Chine, Pyramides à Gizeh. Où une actrice porno, Carmen de Luz, s’est photographiée cul nu sur un chameau. Les enquêtes ont conduit les effrontées devant les tribunaux.
2 réponses à “Culs nus, selfesses, vive l’érotourisme !”
Quelle banalité, ces selfies, photos de postérieurs ou d’organes génitaux en guise de souvenirs. Nicolas Bouvier en serait effondré, mais pas si étonné. Le nudisme est apparu au XVIIIème siècle Outre-Rhin, mais on ne dédaignait pas les voiles transparents, une certaine nudité en France à la même époque, les corps dénudés sous le Directoire, par ex., les bébés nus, sans langes l’été.
Mais ce n’est pas un phénomène qui se rattache à une philosophie du corps qui semble animer ces personnes. Elles s’imaginent peut-être incarner la rébellion, la transgression absolue en se comportant ainsi! C’est d’un ridicule achevé, plus conventionnel, tu meurs. Idem pour les tatouages, ce qui est rare et original, sur les plages, c’est de ne pas en arborer. Identification à des normes sociologiques de masse, rouleau compresseur de Facebook et son conformisme, tranquilles comme on dit.
La question que vous posez de l’autorité de Nicolas Bouvier : doit-il y avoir un idéologue du voyage qui dirait comment bien voyager ? Bouvier avait sa manière. Il n’y avait pas de téléphone portable et de réseaux sociaux à l’époque où il voyageait. Et si Bouvier avait du talent, avant lui et même après, combien de récits de voyage sont aussi ennuyeux que des culs nus…
Sur la nudité : la géographe Francine Barthe-Deloizy a écrit là-dessus (Géographie de la nudité, livre documenté et passionnant). La nudité bouge, de l’art à des pratiques plus ordinaires comme vous le dites, de la peinture de Boucher au bébé sans lange, mais on ne parle pas de la même chose.
Enfin, votre jugement sur cette pratique du selfesse (au fait, un selfesse ne peut être pris par celui qui les montre de dos, donc le néologisme de Libé ne va pas) est intéressant car il montre la difficulté à donner un autre sens que celui de la morale. Or, la recherche scientifique dépasse la simple question de l’utilité pour chercher à comprendre un acte. Au secours, les anthropologues !