En consultant la carte (1) des pays dont la reine Elizabeth II est chef d’Etat, on reste perplexe. Non pas tant que le Royaume Uni se soit constitué une cagnotte de confettis coloniaux, mais parce que la dame a 89 ans, quand on discute de l’âge d’un capitaine candidat à l’élection présidentielle française près de 20 ans moins âgée qu’elle. Certes, Elizabeth a appris à porter une couronne la tête droite et haute. Mais tout de même, à l’heure où son fils poireaute pour la succession, elle aurait pu songer à des jours heureux aux Caraïbes où flotte le drapeau anglais.
Mais non. Nous n’en saurons rien. Ni même de ce qu’elle pense de cette panoplie d’États dont elle est le chef depuis plus de soixante-trois ans, alors qu’elle était en voyage au Kenya lorsqu’elle apprend que la mort de son père dans son sommeil va la faire reine. Un géographe pourrait se distraire à raconter comment elle est présente au monde depuis cette année 1952. Et comment elle ne déroge en rien à ses géographies familières comme ce record de longévité célébré par les médias alors qu’elle est, en retraite d’été annuelle, dans son château écossais de Balmoral où elle se terre les trois mois d’été depuis son enfance avant la rentrée des classes à Buckingham fin septembre.
On lui concèdera un peu d’humour en la suivant inaugurer ce mercredi 9 septembre une ligne Borders Railway reliant Tweedbank à Edimbourg, inaugurée sous sa trisaïeule en 1849 et fermée en 1969. Rien ne troublera le royaume depuis la liesse du jubilé de diamant en 2012 : ni fêtes de rues, ni corne de brume ou feu d’artifice. La presse s’en tiendra à ses chapeaux et ses chiens, en attendant la grand boum des 90 ans en avril 2016.
Géopolitique, la reine ? On aurait aimé qu’elle raconte ce qu’elle pense de Churchill, De Gaulle, Staline, Marilyn Monroe, Mandela, Jean-Paul II qu’elle a rencontrés et enterrés. Mais on ne saura rien de ce qu’elle a aimé ou détesté. Sinon sa passion pour les corgis qui sillonnent le palais et les chevaux.
Songeons qu’elle n’a jamais été à l’école, qu’elle a tout appris à domicile, sourire, recevoir, danser. Rien n’était prévu pour une vie sur un trône qu’elle doit à l’abdication de son oncle Edouard VIII, à la couronne de son frère George VI qui meurt lorsqu’elle a dix ans. Elle prend donc en 1952 la place de sa trisaïeule qui fut la mère de nombreux monarques en Europe et dont l’Empire méritait la comparaison avec celui de Charles Quint et le fameux soleil qui ne se couche plus.
L’empire d’Elisabeth a rétréci, mais l’espace humain s’est dilaté jusque sur la lune et dissous avec Internet. Le Royaume d’Elisabeth titille les Européens dont une bonne part aimerait que les Britanniques quittent l’Union européenne et se contentent du Commonwealth, ses 53 pays et les 15 Etats sur lesquels Elizabeth règne, Canada et Australie compris.
De son temps ?
« La reine n’a jamais fait ses courses dans un supermarché, n’a jamais repassé une robe ou une chemise ou acheté la liste des fournitures scolaires de ses enfants, sans parler de passer l’aspirateur ou de faire la poussière. Mais elle a travaillé, sans relâche, depuis soixante-trois ans, remplissant à la perfection ce rôle bizarre d’ambassadrice sans l’être, de représentante de son pays sans avoir la moindre influence sur la manière dont il est gouverné, de super officier de relations publiques. Dans ce rôle qu’elle a façonné elle-même, elle n’a jamais commis le moindre faux pas. Ses robes ne se sont jamais envolées dans un coup de vent (ses ourlets sont plombés), elle n’a jamais prononcé le mot de trop, n’a jamais oublié un visage, une main serrée. Elle a usé douze Premiers ministres pendant son règne et n’a jamais laissé filtrer la moindre préférence pour l’un ou l’autre. Cette perfection a permis de gommer les écarts et ratés de sa progéniture, qui ne lui a épargné ni divorces (trois sur quatre), ni scandales sexuels ou financiers. » (2)
La reine est bien une anomalie dans le monde actuel, une « page blanche, une toile vierge » où chacun projette ses images, ses rêves, ses valeurs. Pour Sonia Delesalle-Stopler, c’est ce qui lui a permis, sans doute, d’incarner si bien et depuis si longtemps son pays. «God Save the Queen !»
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(1) Source de la carte
(2) »La fière du trône », Libération, 9 septembre 2015
3 réponses à “La reine d’Angleterre, anomalie géopolitique”
Géographie royale, ou le monde des cartes.
Interrogé sur le devenir des royautés dans le monde, on raconte que le roi d’Arabie saoudite Fayçal ben Abdelaziz livra alors son pessimisme quand à la lourdeur de la charge, en prétendant que bientôt ne resteront sur terre que quatre Rois, ceux de pique de trèfle de cœur et de carreau. Ayant été assassiné par son neveu, probablement pour avoir commis cette boutade pourtant cartographique donc bien géographique, il n’eut pas le temps de diagnostiquer sur l’avenir des reines. On peut penser que porté par cette logique il imaginât les voir finir leur règne dans un quelconque musée de « Sir » londonien. Il se serait encore trompé et aurait été une deuxième fois assassiné, car effectivement, la reine d’Angleterre est bien là, portée par ses valets, elle reste un atout bien coloré et dévoué au bon fonctionnement du monde, elle poursuit inlassablement la partie sans se soucier que finalement seul un « As poireauteur » pourrait bien la gagner. Je « jubile » de voir la suite.
Dommage ce quasi {de veau ?} copié-collé de l’article de » l’Aberration » alors qu’un lien aurait suffi ! Manque d’inspiration pour compléter l’article, au final étique ?
Un éclairage sur la ligne de chemin de fer Ecossaise eut été le bienvenu plutôt que de tels propos plats et convenus qui ne m’apprennent rien …
Elisabeth n’a eu besoin, au contraire des politiciens du continent, de raconter des salades pour se faire élire et c sans doute la raison pour laquelle elle reste si discrète sur ses opinions, afin de ne décevoir personne tout en faisant oublier son illégitimité de potiche souveraine !
Sa succession sera enthousiasmante car moins terne que son occupation du trône ;
Disons que l’anomalie est autant cette famille pièce rapportée que l’état actuel du monde !
Elisabeth, contrairement à ce que vous écrivez, n’est pas élue, au moins vous pourriez l’apprendre avant de grincer.
L’article porte sur la question d’une souveraineté monarchique sur seize Etats du monde, tel était le titre de l’article. Toute la question était de savoir comment la reine pense ce pouvoir là, d’où les remarques sur le silence de celle que vous appelez élégamment une « potiche ».