Louise Bellamy, étudiante en géographie, a réalisé une étude passionnante sur la couleur dans l’alimentation. On attend la même chose d’un candidat au métier d’urbaniste sur la couleur des villes. Certes, les clichés sur les villes rouges du Sud-Ouest, les quartiers noirs de basalte de Clermont-Ferrand, rose du grès des Vosges à Strasbourg, tout cela est déjà un peu vu. Mais une ville est en train de percer dans l’actualité mondiale avec ses couleurs sur le béton. Dans la grande tradition des murales mexicaines, ici dans le quartier de Palmitas, dans la ville de Pachuca de Soto, au nord de Mexico. Un travail étrange qui aurait fait baisser la violence dans ce quartier…
La vieille idée selon laquelle « L’art doit venir à ceux qui n’y ont pas accès » explique qu’un collectif d’artistes ait pu réaliser cette oeuvre sur les trois dernières années. Une sorte d’arc-en-ciel de 20 000 m2 qui se voit très bien, du fait de la pente du quartier. Un peu plus de 200 maisons ont été bariolées pour faire de cet endroit un « quartier magique » comme le souhaite Enrique Gomez, de l’agence Germen Crew. « Chaque couleur est liée à l’âme des gens de cette communauté ».
Comme la plupart des murales mexicains, ceux de Germen Crew ont été financés collectivement, par la mairie, mais aussi ds entreprises comme Comex qui donne des milliers de pots de peinture. Rien n’a été simple, notamment de convaincre les habitants que leur maison soit peinte. Près de 450 familles ont dû donner leur accord. Le chantier a duré cinq mois. Pour préparer la population, les graffeurs peignent d’abord les maisons en blanc, manière de marquer le changement. On enlève aussi toutes les cochonneries qui traînent dans les rues, comme les carcasses de voitures, on éclaire, on met même des caméras de surveillance dans ce quartier très mal famé.
Et puis, comme un petit miracle arrive… L’ambiance change, la société se resoude, on poste sur Internet sa maison, on revient dans l’espace public qu’on évitait dès la tombée de la nuit. Une certaine « fierté d’appartenance » pour M Gomez, artiste engagé. On quitte la spirale d’abandon et le trafic de drogue qui palliait le manque d’activité. La mairie opine : moins 35% de délits depuis le début du chantier. Les deux gangs ne se battent plus. En travaillant, ils ont appris à se connaître. Peindre la fresque a ramené une vingtaine d’emplois.
Du coup, l’équipe va plus loin. Elle va raconter l’histoire des habitants du quartier. Faire quelques portraits géants comme celui de cette vieille dame, mains tendues… Pour ne pas oublier les plus anciens.
Enfin, le tourisme s’empare de la ville. Les habitants des périmètres voisins veulent imiter ce qui s’est passé à Pachuca.
La mairie planche même sur un projet de visite touristique. Ce cercle artistique vertueux pourrait vite faire école. Selon Germen Crew, les habitants des quartiers voisins ont déjà demandé au collectif d’étendre sa fresque aux autres collines urbaines de Pachuca.
________
Source : Le Monde, 2/9/15, Un arc-en-ciel contre la violence, Frédéric Saliba
Une réponse à “Miracle dans la ville de couleur, à Pachuca de Soto (Mexique)”
Il est toujours étonnant de voir comme d’un « coup de pinceau », on peut influencer la psychologie humaine au point de la modifier radicalement. Ainsi transforme-t-on un goût de la violence en une violence du goût, dont l’agression physique laisse la place à une simple curiosité visuelle. Pourtant la recette est vraiment simple, aussi simple que de faire passer un enfant du pleur au rire, mais son application et suffisamment rare pour effectivement la féliciter et la promouvoir. Il est curieusement inimaginable de constater combien l’imagination peut être génératrice de bienfait, qui lui est bien concret et n’a rien d’imaginaire. « Sniffer pour sniffer », il est bien plus bénéfique de porter son choix de produit sur celui de la peinture, qui elle finit toujours par sécher en assainissant murs et esprits. Peindre l’espoir est toujours préférable à dépeindre le désespoir.