On ne parle pas de la violence comme en Irak ou en Palestine et, bien sûr, dans tous les cantons du monde où l’on se bat parfois sans trop savoir pourquoi. Mais de la violence dans les pays en paix où des milliers de personnes sont assassinées, des femmes voulant divorcer, des migrants, ou, comme aux Etats-Unis le 27 août 2015, des journalistes en plein travail, quasiment en direct.
Voici le récit du Monde il y a quelques jours : « Un double meurtre est intervenu lors de la matinale d’une filiale de CBS, la télévision locale WDBJ7, à 6 h 45, alors qu’une journaliste interrogeait en direct et en plein air la responsable d’une chambre de commerce chargée d’un lac touristique, Vicky Gardner, 62 ans. Des coups de feu, l’affolement de la journaliste Alison Parker, 24 ans, l’effondrement du cameraman qui filmait l’entretien, Adam Ward, 27 ans, et qui a capturé une très brève image de l’assaillant, voilà ce à quoi les téléspectateurs de la chaîne ont pu assister en une poignée de secondes. Cette scène a été presque immédiatement relayée par Facebook et Twitter, une publication facilitée par leurs fonctions de démarrage automatique de vidéos. Les chaînes d’information, avec des nuances sur l’instant choisi pour interrompre la séquence, ont également rediffusé les images. »
L’assassinat est justifié quelques heures plus tard par un journaliste d’une chaîne locale qui poste sur son compte Twitter, Vester Flanagan, Afro-Américain de 41 ans, et qui avait adopté le pseudonyme de Bryce Williams à l’antenne, mettait en cause des » commentaires racistes » supposés de la journaliste et mentionnait le différend qui l’avait opposé au cameraman. Il invite alors à regarder sur sa page Facebook le film qu’il a lui-même tourné avec un portable. Un film qui devient vite viral… où on a voir le criminel pointer son revolver vers la journaliste.
Certes, le type est sans doute un cinglé. Mais ce qui est curieux pour un Européen, c’est d’entendre le président des Etats-Unis commenter lui-même ce geste : « Ce que nous savons, c’est que le nombre de personnes tuées dans des incidents (on apprécie la litote, un meurtre est un incident) liés aux armes à feu écrase celui des victimes du terrorisme ». Selon Le Monde, après Charleston, le président avait déjà estimé que les Américains se devaient de reconnaître que « ce type de violence de masse n’arrive dans aucun autre pays développé ni avec cette même fréquence ». Plus tôt dans la journée, le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, avait invité le Congrès à adopter des mesures de contrôle des armes ne remettant pas en cause le droit constitutionnel d’en posséder. Voilà bien une question de géographie. Pourquoi les Américains tiennent-ils tant à leurs armes à feu ?
Malgré l’épouvantable tuerie dans l’école primaire de Sandy Hook en décembre 2012, le Congrès ne plie pas sur la question. Même si les candidats démocrates plaident pour un encadrement des armes.
En juillet, selon Le Monde, un sondage du Pew Research Center avait pourtant fait apparaître que si les Américains sont divisés lorsqu’il faut choisir entre le contrôle des armes : 50 % sont pour, au lieu de 66 % en 2000, et la protection du droit à en posséder (47 % y sont attachés, au lieu de 29 % il y a quinze ans), une nette majorité bipartisane se dessine en faveur de deux mesures d’encadrement : la vérification des antécédents des acheteurs lors des foires aux armes et des ventes privées, ainsi que l’interdiction d’achat pour les personnes souffrant de troubles mentaux. Deux mesures qui, si elles avaient été adoptées, n’auraient toutefois pas empêché Vester Flaganan de s’armer tout à fait légalement, comme l’a confirmé le bureau fédéral chargé des armes à feu.
Une réponse à “Les Etats-Unis, pays hyper-violent ?”
Armé de violence !
A force d’affirmer que c’est l’arme qui fait la violence, on se fourvoie dans une ligne de pensée rassurante qui tend à suggérer que la solution au problème est l’élimination de l’arme. L’utilisation par l’Homme de l’outil est une constante propre à son espèce et croire qu’il suffirait de supprimé au chasseur son fusil préserverait de la disparition le lièvre ou le chevreuil est une vue simpliste et tout à fait erronée, tous les braconniers le savent bien. L’abandon d’un outil n’est possible que par son obsolescence au profit d’un autre plus efficace. Cette confusion entre la cause et l’effet n’est pas une nouveauté, et on dirait même qu’elle intervient plus volontiers d’autan que le problème est grave et inextricable. Lorsqu’une question se pose, il existe trois manières d’y répondre, soit de la solutionner, soit de l’ignorer, soit de l’éliminer, et si deux de ces solution apparaissent comme impossible à réaliser c’est la troisième qui est inexorablement adoptée. Quelle soit provoquée par un désir de suprématie religieuse, souci d’indépendance ou simple haine de son prochain, la violence, hormis le fait qu’elle peut être tout simplement gratuite par goût du mal, est un fait de société et un recours efficace et très accessible, lorsque une difficulté d’existence apparait entre deux êtres vivants ou deux groupe d’individus. Eliminons l’arme à feu, allons-nous pour autant supprimer l’eau chlorée du bocal à poisson, l’herbicide du champ de maïs, le permis de conduire au chauffard coléreux, le cyanure des produits fourmicides, ou l’ion Hydrogène acidificateur des océans ? Bref, on voit bien, que lutter contre l’utilisation de l’arme implique l’utilisation de l’arme…
Il y va de la violence comme pour bien d’autres notions dans ce bas monde, la proportionnalité au nombre est une loi immuable, presque physique et universelle, à laquelle cependant une seule exception confirme la règle, c’est l’intelligence pour laquelle visiblement la proportionnalité s’inverse. Car il faut quand même être intellectuellement très désarmé lorsque voulant combattre la violence d’aucun disent : « Quand j’entends parler d’arme, je sors mon révolver ».
Si les USA détiennent un triste record en matière de possession d’armes à feu, 300 millions pour 318 millions d’habitants, la France, tout en faisant un usage plus discret de ce mortel gadget, n’en dénombre que 20 millions, sans compter les individus quelque peu frondeurs qui comme moi ont omis de déclarer leur lance pierre.
Ludique, étant le terme à la mode pour agrémenter toutes les activités humaines, il est très important de rappeler, comme vous venez de le faire que tuer n’est pas jouer.