Pour dire toute la stupeur que nous inspirent les enquêtes statistiques, nous ne résistons pas au plaisir douloureux de citer celle de l’IFOP, qui s’autoproclame « précurseur sur le marché des sondages d’opinion et des études marketing depuis 75 ans ». Enquête éminemment géographique pour le site de webcam érotique CAM4 auprès de 8000 femmes dans 8 pays occidentaux. Titré Hiver trop chaud, plaisir qui refroidit, l’article du Canard Enchaîné (1) qui dévoile les secrets de la sexualité féminine, signé Daniel Fontaine, pointe les atouts de la femme française, au charme unique. L’IFOP révèle qu’elle est « frustrée toutes catégories, d’après un sondage mal biaisé » (sic). Fichtre…
49% des sondées disent « avoir régulièrement du mal à atteindre l’orgasme » contre 42% des Allemandes et 28% des Néerlandaises. Les mêmes ne sont que 52% à reconnaître avoir « souvent » du plaisir en couple. Braves Françaises si héroïques, vous êtes bonnes dernières derrière les Hollandaises et les Italiennes à 69% ex aequo. Approfondissant le sujet, l’IFOP décerne aux Françaises « la médaille d’or de la simulation au lit à 31% devant les Américaines à 29% tandis que les Néerlandaises (encore elles) ne sont que 18% à y recourir. »
La hauteur de vue de l’IFOP qui révèle les secrets de la société française au moment où elle va se souhaiter la bonne année, nous conduit à une débandade de chiffres accusateurs. « Un Waterloo au lit » pour le Palmipède qui connaît bien les plaisirs de sa canette et se demande : « Les Français s’y prendraient comme des manches malgré leur réputation de meilleur amants du monde ? Marianne sous son bonnet phrygien serait devenue frigide ? Le moral de la nation est-il en berne ? Ce bonnet de nuit de Hollande y est-il pour quelque chose ? »
Nous avons évité le pire avec des questions sur les lieux de l’amour (de la petite à la grande échelle du lit conjugal), les fantasmes des Françaises, les études comparées des coûts économiques (baisse de productivité, dépressions chroniques accroissant les arrêts de travail, etc.) liées à la santé…
L’IFOP ne nous épargne pas tout : « la sexualité en France est masculino-centrée ? En privilégiant la pénétration vaginale au détriment des caresses clitoridiennes plus propices au plaisir féminin ? » Que vont répondre les géographes culturalistes et leurs gender searchers de Paris-IV ? Bientôt une critique politique de cette manipulation outrancière d’un outil statistique dévoyé et au service de la domination masculine ? Ou de la connerie de ceux qui paient de telles études ? Et qui font croire qu’un discours avec ces questions et ces chiffres aussi débilitants vont mettre les mâles devant leurs responsabilités ? S’ils pouvaient nous éviter qu’Hollande annonce avec ses voeux télévisés pour 2016 l’état d’urgence sexuelle, ce serait déjà ça.
Nous préférons de très loin les travaux de sciences sociales tel cet ouvrage de Jean-Claude Kaufmann nous prévenant que les fesses sont géopolitiques.
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(1) Paru le 23 décembre 2015
Un ancien édito sur la taille des organes sexuels masculins, un marronnier si l’on peut dire, de la sexologie mondiale.
Anatomies géocomparées
Georges Cuvier, le père de l’anatomie comparée, va peut-être se retourner dans sa tombe. Mais à l’ère statistique où tout se mesure, le bonheur (voir le Parisien du 10 septembre 2011), le bonheur national et, mieux encore, le bonheur national brut, à l’époque où se pratique une addiction aux chiffres (voir l’excellent livre d’Isabelle Sorrente, Addiction générale, Lattès) qui peut faire dérailler la science, je vous propose cette petite moisson chiffrée dégottée sur un magazine grand public – je précise – en kiosque.
Une question de géographie comparée résolue sur le site TargetMap avec une carte interactive sur la taille des organes sexuels masculins dans le monde. Une question avait été posée à Saint-Dié il y a quelques années lors d’un café géo sur les bords de l’eau dans le monde : que fait-on au bord de l’eau la nuit à proximité des villes ou même dans les villes, en Chine, en Europe ou les régions densément peuplées en général ? On a pu comparer la prostitution, les stratégies spatiales de l’approche des corps étudiées depuis par de jeunes géographes, homo ou hétéro. Mais une question n’avait jamais trouvé réponse à une échelle statistique satisfaisante : y a-t-il réellement un avantage anatomique africain à la taille de l’organe de reproduction mâle ?
The Penis Size WorldWide établit sur le site que le sexe masculin en érection maximale moyenne est de 17,93 centimètres dans le monde. Ce record serait tenu par les mâles de la République du Congo (voir les données sur wikipedia) qui précèdent les Equatoriens (17,77 centimètres), les Ghanéens (17,31 centimètres). Les Français occupent une honorable quatorzième place dans ce classement. En bonne dernière position : les Cambodgiens (10,04 centimètres) et les Coréens du Sud – car les données au Nord ne sont pas fournies par le régime (9,66 centimètres).
Il m’arrive de lire dans les magazines écornés de la salle d’attente chez le dentiste des reportages où les femmes expliquent – en vain, semble-t-il – que ces questions de taille ne le intéressent pas. Chez les hommes, les petits mâles adolescents notamment, la chose est autrement plus essentielle. Les sexologues racontent que les boutonneux en tirent facilement des complexes qui peuvent les envoyer chez le psychiatre. L’honorable magazine Sciences Humaines (n°230, oct. 2011) rapporte les débats d’un congrès de sociologie tenu à Grenoble en juillet 2011 et s’interroge sur le « malaise de la masculinité ». Y. Le Henaff a communiqué sur l’embarras que suscite chez les chirurgiens esthétiques les demandes de pénoplastie (agrandissement du sexe masculin), allant pour certains médecins jusqu’au refus d’opérer.
L’autre versant psy est parfois allé plus loin en corrélant les ambitions ou, plus simplement, la grosseur des voitures, le goût du tir à l’arc, l’envie d’être le meilleur et la manière dont les hommes vivent avec la taille de leur membre.
Et la géographie dans tout cela ? Outre que les comparaisons sur des jeunes mâles (les âges sont indiqués dans la série statistique) d’un pays à l’autre dessinent une « diversité » spatiale qui peut faire le bonheur des géographes (« pourquoi les choses sont là et pas ailleurs » aimait à dire un maître réputé de Paris-VII), il restera toujours les inconnues sur le rôle de la biologie et de la génétique. La carte du génome humain n’a pas fait avancer le schmilblick. Mais en attendant le sens donné à ces statistiques-là, il y a fort à parier que celles sur le nombre de votants FN dans tel village des Alpes du Sud ou les tableaux statistiques des résultats au CAPES par académie, seront toutes aussi muettes sur le sens qu’ils ont à figurer comme des éléments de preuve d’une démonstration qui n’adviendra jamais.
Gilles Fumey
Pour rester dans le domaine de l’art, cette anatomie photographiée sur une plage du Levant (été 2011). Commentez la position des continents. L’Union des Etats africains pourrait-elle poursuivre l’auteur de cette oeuvre ?