David Bowie est mort. Rude nouvelle, pas à proprement parler géographique. Quoique. A y regarder de plus près, la mort de David Bowie, emporté par un cancer, nous renvoie bien entendu à la maladie, et à notre propre disparition. Or, comme le fait remarquer un excellent article du Guardian, la fin de vie est un moment souvent caché, surtout chez les célébrités, comme s’il fallait préserver les apparences jusqu’au bout. Et le cancer est souvent présenté comme une « longue maladie », pudeur étrange à une époque où cette maladie, que l’on peut volontiers appeler de civilisation, se répand beaucoup.
Il y a donc au moins une double géographie à faire, celle du cancer en tant que tel, et celle du bien mourir, ou du mourir triste, ou encore du refus de mourir. Depuis Hibernatus ou les rumeurs sur la congélation du cadavre de Walt Disney pour se garder la possibilité (sait-on jamais?) de revenir à la vie grâce aux progrès de la science, l’attitude face au grand saut dans l’inconnu change éminemment de lieu en lieu.
Pour le cancer, il y a des chiffres à la pelle, généreusement fournis par l’OMS, entre autre. Cela permet de faire des cartes, comme celle-ci, qui présente la place du cancer par pays. Même si le texte d’accompagnement insiste sur le fait que la plupart des cancers survient dans des pays à revenus moyens, on constate tout de même que la carte reproduit, dans sa partie « haute » la géographie des pays les plus riches: États Unis, France, Japon, Nouvelle Zélande… Pas de grosse surprise donc, même si, c’est évident, la géographie de la santé peut s’emparer de cette cartographie pour pousser l’analyse plus loin.
Quant au bien ou mal mourir, l’article du Guardian cité plus haut insiste sur l’attitude des mourants et leur manière de réagir et de vivre dans la dernière partie de leur vie. L’euthanasie peut aussi s’inviter dans cet autre débat, avec ses espaces propres.
Dans le cas de David Bowie, ses derniers mois de vie ont correspondu à un élan de créativité, comme s’il s’agissait bel et bien du chant du cygne pour l’artiste et performer britannique. Un autre artiste décédé récemment, Bobby Womack, a eu jute le temps d’enregistrer un album avec Damon Albarn avant de tirer sa révérence.
Mais il faut bien reconnaître que les sociétés européennes, et françaises en particulier, renient la mort et semblent ne pas vouloir en entendre parler. Si la Camarde paraît, ceux qui ne sont pas concernés font comme si de rien n’était, et les corbillards eux-mêmes se banalisent comme s’il ne fallait pas heurter la sensibilité des passants. Ce n’est plus l’endeuillé qui doit être consolé, mais qui doit consoler, rassurer et presque s’excuser d’être en deuil, tant la mort semble incongrue et hors de propos. Étrange renversement de perspective…
Péter la forme jusqu’au bout, ne rien montrer, serrer les dents et tout donner jusqu’au dernier instant? Cela peut arriver, mais bien souvent les fins de vie sont difficiles, lentes et peu flatteuses. Une fois de plus, le sort réservé aux personnes très âgées n’est pas fabuleux, non pas qu’ils soient maltraités, mais ce sont les bien portant qui eux-mêmes, de manière implicite, rejettent et relèguent à la périphérie de leur préoccupation et de leur horizon social le faible, le malade, l’agonisant. ultime violence infligée à ceux qui sont en train de quitter ce monde, pour aller, comme on pouvait dire « ad patres« . Il y aurait une géographie des différences dans ces attitudes à développer.
En une: une image prise pendant le tournage de clips tirés du dernier album de David Bowie, Black Star