Bien sûr, ce titre est provocateur, et on pourra nous accuser de manquer de nuance. En même temps, les faits sont là: on le sait, Monsanto a fabriqué ce produit terrible qu’est l’Agent Orange, utilisé pendant la guerre du Vietnam et qui continue aujourd’hui encore à empoisonner les terres agricoles du Vietnam. Tandis que Bayer, respectable firme « pharmaceutique » allemande, a eu des liens objectifs durant toute la période nazie avec la fabrication d’un « désinfectant » le Zyklon, qui allait être utilisé dans les chambres à gaz des camps d’extermination. (Un blog du site Mediapart ne s’y trompe pas non plus). L’entreprise ne s’est excusée de cela que très récemment, sous la pression d’Elie Wiesel.
On peut arguer que cela appartient au passé. Certes. Mais cela appartient aussi bel et bien à cette « culture d’entreprise », qui arrime résolument ces deux géants du côté de l’industrie chimique de guerre. Pour être tout à fait juste, notons qu’il existe un lien technique et idéologique très trouble entre industrie des engrais et industrie des pesticides et des armes chimiques, tout simplement parce que les produits sont de formules proches.
A présent, l’achat (non encore finalisé en raison des risques de monopole) de Monsanto par Bayer augure de ce que les auteurs les plus pessimistes du Cyberpunk n’auraient pas osé imaginer: une société qui contrôle une grande partie du marché des semences et des pesticides. Une sorte de Seigneurs des Anneaux où le méchant contrôle effectivement l’agriculture mondiale en promouvant un modèle au sein duquel la brevetabilité du vivant est un prérequis. Les agriculteurs n’étant plus que des exécutants, totalement dépossédés de leur travail au profit d’une logique purement industrielle et financière. Et ce que l’on aura dans l’assiette pourra bien nous tuer à petit feu, pourvu que les actionnaires soient contents. J’avais vu à la télévision, il y a fort longtemps, un film d’anticipation où des gens qui cultivaient des variétés de tomates non autorisées étaient arrêtés par la police. A l’époque (fin des années 1970), c’était de la science fiction. A présent, c’est notre réalité.
On pourra toujours nous parler après cela de manger plus sain, ou de retour aux semences paysannes. L’ordre règne au niveau des semenciers officiels. L’association Kokopelli pourrait éloquemment en témoigner. C’est une guerre économique sans merci qui se livre en ce moment-même.
Mais cela ressemble aussi à une formidable fuite en avant: alors que de hauts responsables des Nations Unies affirment eux-mêmes que l’agriculture productiviste est à bout de souffle, et qu’il faut imaginer un autre modèle qui favoriserait l’autonomie des paysans et leur enrichissement direct, des monstres comme Monsanto+Bayer essaient de soumettre les gouvernants comme les gouvernés à leur logique.
La logique industrielle n’a jamais favorisé la qualité, elle est soumise à des impératifs de quantité et surtout de rentabilité maximum. Dans un tel contexte, quelle liberté nous sera laissée? C’est une conception de la production agricole et du vivant en général qui semble plutôt mortifère, mais ces firmes savent utiliser toutes les armes de la communication pour se faire passer pour ce qu’elles ne sont pas. Il ne faut pas être dupe et si résistance il y a, elle vient de nous tous. Des spécialistes de l’histoire de l’agriculture comme Marcel Mazoyer et Laurence Houdart ont depuis longtemps dénoncé la crise de l’agriculture mondiale engendrée en grande partie par cette agriculture intensive pourvoyeuse de pauvreté pour les paysanneries traditionnelles et de risques sanitaires réels pour les consommateurs. A bon entendeur…
Je ne résiste pas au plaisir de citer le Gorafi, qui a publié une dépêche sur le rachat par Bayer de… Mordor!
2 réponses à “Bayer et monsanto: fêtons les noces du Zyklon B et de l’Agent Orange!”
Bravo, on ne saurait mieux évoquer la gravité pour l’espèce humaine, du rachat qui vient d’être scellé de Monsanto par Bayer. Désormais le monde ira manger dans la main du géant allemand, une pensée pour les abeilles, les paysans du Pendjab & d’ailleurs, les terres massacrées, la raréfaction des produits de qualité.
A ce sujet, lire l’Ordre du jour (prix Goncourt 2017), Bayer, Siemens, Krupp et les autres qui ont aidé à l’accession d’Hitler au pouvoir sont toujours des sociétés bien en place prêtes à continuer sans état d’âme leur chemin de désolation….