D’une biodiversité l’autre, ou presque…


« En quoi la biodiversité favorise l’intégration sociale dans les écoquartiers ? ». Belle interrogation que celle posée par les Quatrièmes rencontres de Bioterre, organisées le 7 avril par l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne à la Halle Pajol (Paris 18e), bâtiment hybride couronné par la plus grande centrale solaire urbaine d’Île-de-France.

Il était par exemple question de la biophilie renaissante des urbains d’aujourd’hui, car « ce sont les interrelations qui font la biodiversité ! », comme l’a rappelé Philippe Clergeau, écologue au Muséum National d’Histoire Naturelle. Oui, mais quelles interrelations ? « Un pot de géranium sur un balcon, pour moi ce n’est pas de la biodiversité : c’est un être vivant déplacé dans des conditions autres. Mais à partir du moment où il y a un bourdon qui vient polliniser, cela rentre dans un processus écologique. Je ne peux plus l’écarter de la biodiversité », a précisé le chercheur.

Un petit échantillon des interrelations possibles qui alimentent la biodiversité en ville a été illustré par les interventions de la journée, pour la plupart focalisées sur ces cadres privilégiés que sont les écoquartiers.

Ces territoires urbains font la part belle aux mobilités douces, aux corridors verts et aux solutions énergétiques durables. Ils s’avèrent profitables à la biodiversité, même si les habitants n’en ont pas toujours vraiment conscience.

Cette perception par les habitants de la biodiversité urbaine est tout sauf anodine. Elle permet souvent de reconnaître les écoquartiers aménagés prioritairement par le haut et ceux où la participation citoyenne à la conception s’est avérée décisive.

Parmi ces derniers, le quartier Vauban à Fribourg-en-Brisgau (photo en une, source http://www.connaissancedesenergies.org), présenté au colloque par Elsa Gheziel-Neumann, une militante écologiste française, diplômée en géographie sociale, qui a décidé de franchir le Rhin pour s’installer dans ce havre de verdure urbaine en lisière de la Forêt-Noire.

Quand on se met dans la peau des habitants et que l’on s’intéresse à leur ressenti, les écoquartiers peuvent convoquer très vite la distinction entre paysages « politiques » et paysages « vernaculaires », théorisée en premier par le géographe américain John Brinckerhoff Jackson, dont Actes Sud a traduit notamment À la découverte du paysage vernaculaire.

Si les habitants qui ont « co-construit » leur écoquartier (comme a Fribourg) sont souvent bien plus sensibles à la biodiversité ambiante, soit-elle végétale ou animale, c’est que leur action citoyenne de départ coïncide avec une sensibilité intime qui a pu trouver des débouchés créatifs.

Ci-dessous, un aperçu du quartier. Photos Elsa Gheziel-Neumann

Mais dans des villes jamais aussi normées que les nôtres, y a-t-il encore de la place pour que les savoirs vernaculaires des citoyens aient un impact réel sur l’aménagement ?

On le sait, l’idée de végétaliser les villes a le vent en poupe et on peut même se prendre à rêver d’un essor de l’agriculture urbaine.

Mais toute écogenèse en marche, a fortiori celle des écoquartiers, se nourrit chaque jour d’abord des aspirations intimes individuelles, qui vont parfois bien au-delà de la vague « envie de nature » que l’on prête à nos sociétés.

Certes, il faudrait prévoir des solutions pour que nos sympathiques et élégants amis les hérissons puissent franchir les clôtures qui remplissent nos villes. Il faudrait répandre des nichoirs pour contrer l’inquiétante disparition des oiseaux (40% de martinets noirs en moins en ville entre 2005 et 2015, selon la LPO, Ligue de protection des oiseaux). Et ainsi de suite…

Mais au fond, « ce sont les interrelations qui font la biodiversité ! », ce qui veut dire que les maîtres de chaque îlot urbain, les citoyens de nos quartiers, ont la capacité au moins potentielle de nourrir chaque jour un peu la biodiversité, quand on leur en laisse vraiment la possibilité.

Autrement dit, à côté des solutions techniques louables des ingénieurs écologues, pas de biodiversité durable et de véritable cercle vertueux entre biodiversité et intégration sociale sans un peu plus de « droit d’inventer » pour tous les humbles et opiniâtres « écologues du week-end » que nous sommes ou que nous pourrions devenir.

On en reparlera certainement à l’automne, puisque d’autres sons de cloche sur la question feront le miel des festivaliers au FIG de Saint-Dié-des-Vosges (29 septembre-1er octobre), au titre alléchant : Territoires humains, mondes animaux.


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