En France ouverte, on danse le tango


Affiche ancienne pour des cours de tango à La Havane. Le tango s’exporte depuis longtemps…

Explorer la géographie française du tango réserve bien des surprises. Pour commencer, on peut se demander où se situent les grands fiefs hexagonaux de cette célèbre danse originaire d’Argentine et d’Uruguay, inscrite depuis 2009 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de humanité, de l’UNESCO.

C’est à l’Ambassade d’Argentine à Paris, rue Cimarosa, qu’a été présentée cette année la cinquième édition du Printemps du Tango, festival qui vient de se dérouler à Mulhouse, du 8 au 11 juin.

Né de la passion d’une bande d’amis alsaciens voulant transmettre bénévolement la magie de la culture du tango, le festival a connu un essor conséquent, en réunissant l’année dernière près de six mille personnes prêtes notamment à investir les lieux emblématiques de la ville pour des milongas (bals collectifs) étourdissantes.

L’agglomération de Mulhouse est-elle en passe de devenir un fief européen du tango, comme c’est déjà le cas pour Paris ? On peut bien le penser, à en juger par la programmation, ainsi que par la large participation d’acteurs locaux publics et privés à cet élan.

Les milongas ont investi notamment la Gare Centrale, la Place de la Réunion, le hall d’entrée de La Filature (Scène nationale), au milieu d’un feu d’artifice d’autres événements, souvent gratuits : stages d’initiation, exhibitions de danseurs acclamés, spectacles mêlant tango et théâtre ou art équestre, concerts de virtuoses de guitare et de bandonéon, expositions, conférences…

On le sait, les géographes français ont déjà réfléchi sur la spatialité et sur les valeurs au cœur des fêtes ancrées dans un territoire, par exemple dans l’ouvrage La géographie en fêtes (2001, Ophrys), dirigé par Guy Di Méo.

Mais beaucoup reste à creuser à propos des événements festifs autour d’un art venant d’ailleurs.

À Mulhouse, il n’est pas anodin de noter que Le Printemps du Tango a donné lieu cette année également à des expériences gastronomiques surprenantes. Outre la dégustation de vins argentins et d’autres spécialités latino-américaines, une boucherie-charcuterie parmi les plus réputées de la ville a imaginé « la knack façon Buenos Aires », à savoir une saucisse alsacienne agrémentée d’épices typiques de la cuisine argentine.

Selon des études médicales sérieuses, danser le tango fait du bien au corps et à l’esprit, comme l’a expliqué Carol Peters, médecin pathologiste, lors d’une conférence à l’Office de tourisme.

A fortiori en ces semaines où certains gladiateurs de l’arène électorale essaient de répandre le virus social d’un prétendu combat sans merci en cours entre « patriotisme » et « mondialisme », il est également plus que jamais de santé publique de se faufiler dans une milonga, à Mulhouse ou ailleurs.

L’été, depuis 20 ans, Tarbes organise un festival international de tango argentin, en proposant cette année le 20 août « une milonga étoilée » sur le Pic du Midi. Quant à l’Île-de-France, le Festival Paris Banlieues Tango fête à son tour ses 20 ans à l’automne, fort d’une riche programmation sur plusieurs communes. Mais Nice, Nîmes et Bonifacio ne sont pas en reste, suivies plus récemment par Metz.

Ce fourmillement d’initiatives reflète souvent, plus ou moins, l’histoire migratoire argentine et uruguayenne en France. Mais c’est d’abord le désir puissant des Français de s’ouvrir au monde qui construit chaque jour la géographie bariolée et en ébullition du tango hexagonal.

Danse fondée sur un jeu subtil (et riche en improvisation) de ponts entre les corps, le tango devient également un pont puissant entre les villes et les cultures du monde entier.

Les festivaliers de Mulhouse viennent également d’Allemagne, de Suisse et d’Italie. Et cette année, certains d’entre eux ont pu fêter l’ouverture du nouveau tramway transfrontalier qui relie Strasbourg à Kehl en improvisant quelques pas de tango sur les flots du Rhin.

Très citadine, la géographie du tango nous parle au fond de l’ouverture hexagonale et de la joie de vivre des Français. En cela, c’est également une leçon des plus françaises qui soient.

En une: le tango à Mulhouse. Photo Michel Demas


3 réponses à “En France ouverte, on danse le tango”

  1. On avait Boucheron, même génération je suppose, comme historien-idéologue à la Cour, on a désormais le géographe officiel.
    Vous atteignez des sommets dans la flatterie, le story-telling auquel vous vous livrez, depuis le pseudo-devoir de l’élève Macron, la nausée me prend.
    Juste un petit rappel quand vous vous exprimiez sur la Promenade des Anglais, j’étais déjà très réservée. C’était bien avant l’ attentat du 14 juillet 2016. Vos choix ne sont pas toujours judicieux, dans la sociologie niçoise vous vous êtes lourdement trompés, cette ville est bien plus populaire que vous ne l’affirmiez et vive Nougaro, décédé en 2004 soit dit en passant (voir votre com) qui clamant « Nice, very nice » malgré l’horreur que les méridionaux et la France entière ont vécue.

  2. Bien évidemment mon com du 17 juin devait suivre l’article sur « Un jeune président élu d’un vieux pays », erreur de ma part.

  3. Bonjour Monsieur Daniel Zappalà
    « Une géographie qui tangue »
    Epris d’une réflexion lente en dansant un slow, je m’étais mis à imaginer tous les bienfaits ou conséquences salutaires pour l’esprit que la géographie moderne, c’est-à-dire éthymologiquement issue de « modus » soit du monde. J’y avais donc perçu un horizon d’analyses pertinentes mettant en perspective les tenants et les aboutissants des espaces observés. Et bien non, mon rêve s’est évanoui avec la terminaison de ma danse. La résurgence « étonnante », brutale et soudaine du Tango me contraignait à une sortie de piste. La dérive de son signifiant m’inspirait instinctivement un pas de coté en référence à ses origines douteuses et très éloignées d’un allant de liesse. S’il fut à l’origine une sorte de cri de douleur esclavagiste Argentin, il prit au passage des époques une coloration tantôt contestataire et tantôt provocatrice qui certes auront favorisé son importation comme curiosité exotique musicalement séduisante, mais n’aura eu qu’un temps plutôt que deux ou quatre. Si aujourd’hui il reparait sous sa forme la plus enthousiaste, c’est probablement son aspect improvisationnel dans la gesticulation du pratiquant emporté par sa rythmique, qui en fait à l’instar d’un e-pop une merveilleuse caricature du robot. Certes son utilisation ne pourrait pas être totalement condamnable puisque après tout il existe, au même titre que les armes existent également et qu’il est donc logique de les utiliser.
    Des beaux restes des constructions prestigieuses du second empire dont il appartient au présent de souvent s’émouvoir largement, le quadrille aura échappé à cet engouement, totalement englouti par un « Gardelisme » qu’on aurait pu croire devenu abscons.
    En s’approchant de celle du pavot, « la magie de la culture du tango » prend à mon sens une orientation assez nationalement néfaste. Bien qu’on puisse comprendre l’inspiration Mulhousienne que le flux migratoire aura porté à son hégémonie, pour Tarbes, Nice ou Bonifacio, la Tarentelle aux vertus thérapeutiques ou le Fandango vont probablement sombrer devant cet afflux de mondialisme féroce qui aura tôt fait de faire « valsé » en un rien de temps nos origines.
    Merci de nous le rappeler.
    Bien Cordialement
    Pierre Chabat

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