La Suisse des banques, des vaches et du chocolat est née sur une prairie au-dessus du lac des Quatre-Cantons. Une simple prairie de rien du tout devenue un monument national, sacré en plusieurs étapes et que les Suisses réinventent chaque 1er août, pour la fête nationale. Tout village et toute ville de Suisse pratiquent la lecture d’une partie du serment que se sont fait trois hommes en 1291 sur le Grütli (petite prairie en allemand) : selon la légende, un pacte fédéral d’alliance entre les communautés d’Uri, de Schwytz et de Nidval, trois Confédérés contre les baillis autrichiens. Voilà pour la légende. Car le fameux serment se serait tenu en 1307 selon le premier récit qui en a été fait au XVIe siècle par Gilg Tschudi.
Il faut attendre le début du XVIIIe siècle pour y voir les premières réunions patriotiques et l’idée d’un monument à la liberté en 1780 et 1789. Rien ne se fit avant des pèlerinages de conservateurs au moment de la domination napoléonienne (1798-1803), avant l’écriture par Schiller d’une pièce de théâtre, Guillaume Tell, et d’une première chanson du Grütli (Rütlilied). Le terrain fut ensuite acheté par la Société suisse d’utilité publique pour éviter les constructions indésirables (hôtel…) au milieu du XIXe siècle.
Le 700e anniversaire en 1991 donne lieu à des aménagements comme un parcours pédestre autour du Lac des Quatre-Cantons, une « Voie suisse » démarrant au Grütli situé sur le village de Seelisberg, une fête nationale le 1er août et en 1993, une votation qui rend le 1er août jour chômé. Dans ce pays où les vaches sont « reines », la prairie est plus qu’un banal alpage : c’est un élément de la mythologie nationale où Heidi, l’autre petite reine des Grisons, peut recevoir de son grand-père tout ce que la nation veut lui transmettre.
Le Grütli rappelle que la Suisse est un pays schizophrène : hautes technologies en bas, dans les vallées où le temps est de l’argent comme le montre le succès de l’horlogerie suisse dans le monde, mais la tête des Suisses est dans les montagnes, sur les alpages et leurs fromages, dans les neiges et sur toutes les Jungfrau alpines.
Et maintenant, chantons l’hymne national avec les yodleurs !
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Un reportage sur le 1er août au Tessin