Ci-dessus: la pollution radioactive dans la mer en mars 2011.
Fukushima. Une petite ville tranquille du Japon, entrée dans l’histoire par un tsunami qui la frappe le 11 mars 2011 en touchant sérieusement une centrale nucléaire. Deux ans et demi plus tard, on apprend que 300 tonnes d’eau radioactive ont déjà fui, en plus des centaines de tonnes d’eau contaminées dans le sol. Les chiffres officiels (mais faut-il les croire ?) évoquent 30 000 milliards de becquerels (unité de mesure de la radioactivité) de strontium et césium. Pour le journaliste F. Nicolino (1), on ne contrôle toujours rien à Fukushima alors que les autorités ont annoncé le contraire plusieurs fois.
Tout a été dit sur la manière dont les politiques japonais ont géré avec les scientifiques et l’entreprise Tepco, la catastrophe. On sait juste maintenant que la mafia (les yakusa) et les bandes criminelles se font de l’argent en profitant du marché des installations à détruire et démanteler (un chantier qui doit durer quarante ans !). F. Nicolino cite des articles atroces expliquant que des SDF, malades mentaux et endettés (auprès des yakusa) sont envoyés sur les chantiers dangereux.
Le pire est que la classe politique semble blasée et revenue de la situation. Le premier ministre, Shinzo Abe, fait une tournée au Moyen-Orient pour vanter la technologie nucléaire japonaise. Alors que 48 des 50 réacteurs japonais sont arrêtés, les politiques se demandent quand on va redémarrer la production nucléaire.
En France, F. Nicolino invite à se poser la question sur les termes d’un débat qui est, on peut le dire, très difficile à obtenir. Les décisions qui ont poussé la France, depuis la recherche de la bombe atomique, à basculer le nucléaire du militaire vers le civil ont été prises de manière très opaques, pour une démocratie. Personne ne conteste aujourd’hui que les ingénieurs d’alors ont cru bien faire. Mais au regard de la démocratie, il y a une culture du secret qui n’a pas lieu d’être et qui empêche, en cas de pépin, de retrouver la chaîne de responsabilités. Et surtout, l’impact d’une catastrophe en France (tout à fait possible pour les géologues) serait incalculable sur le plan humain et politique. Fukushima était sûre ; pourquoi devrions-nous croire que Fessenheim, plantée sur une zone très sismique, l’est encore plus ?
Nous n’avons pas de mafia, mais des lobbies qui empêchent la démocratie de fonctionner en France. Un poison très menaçant.
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Pour en savoir plus :
Tokyo débloque des fonds pour s’attaquer à l’eau contaminée
(Source : Y. Rousseau, Le Temps)
Annonçant pour la première fois, depuis la catastrophe de mars 2011, qu’il allait désormais s’impliquer directement dans le démantèlement des réacteurs dont la reprise en main a pour l’instant été gérée par des entreprises, l’exécutif a promis de débloquer une nouvelle enveloppe de 47 milliards de yens (359 millions d’euros) dans deux projets complexes censés mettre un terme aux fuites d’eau radioactive sur le site et à son écoulement dans l’océan Pacifique.
S’en tenant aux solutions avancées par les industriels du pays, qui ont jusqu’ici limité au maximum le recours aux propositions d’expertises faites par les sociétés étrangères, Tokyo et Tepco comptent, selon le nouveau plan, investir 32 milliards de yens (245 millions d’euros) dans la construction d’une gigantesque enveloppe de pergélisol autour des réacteurs. Ce chantier, proposé par le groupe de construction Kajima, va nécessiter le forage tous les mètres, sur un rectangle d’1,4 km entourant le site, de trous d’une profondeur de 30 mètres dans lesquels seront installés des tuyaux contenant de puissants agents réfrigérants. Une fois activés, ils absorberont la chaleur du sol et créeront une barrière glacée souterraine continue. Cette solution déjà testée dans le secteur nucléaire, notamment au laboratoire national américain d’Oak Ridge dans les années 1990, permettra de stopper les écoulements vers la mer des eaux contaminées qui inondent encore le sous-sol des réacteurs et d’empêcher également l’entrée des 400 tonnes d’eau souterraine qui envahissent quotidiennement l’intérieur des bâtiments.
La seconde partie de l’enveloppe débloquée par Tokyo doit permettre d’accélérer le traitement des eaux contaminées actuellement stockées dans un millier de cuves géantes sur le site. Près de 15 milliards de yens (115 millions d’euros) devraient ainsi être destinés au système «ALPS» construit sur place pour faire chuter au maximum la concentration en radionucléides des 338 000 tonnes d’eau pompées depuis 2011 à Fukushima-Daiichi. Traversant différents bains chimiques, l’eau est en partie débarrassée de 62 des 63 éléments radioactifs qui la polluent – seul le tritium, difficile à capter, n’est pas traité. Une fois «nettoyée», l’eau pourrait théoriquement être relâchée en mer où sa radioactivité sera progressivement diluée. Cette opération devrait, en théorie, être lancée à l’automne 2013.
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(1) La Croix, 4 septembre 2013