(Ci-dessus: Or en Inde : la princesse est un outil de promotion pour tout le monde. L’actrice Aishwarya Rai Bachchan)
La folie de l’or ne se raconte pas mieux que Ruskin ne l’a fait il y a cent ans. Avec l’histoire d’un homme riche monté sur un bateau avec son magot en pièces d’or dans un grand sac. Lorsqu’une tempête impose de quitter le bateau, notre homme monte sur le pont, lesté de son sac autour de la taille, saute et… coule. Ruskin demandait alors : « Maintenant qu’il coule, a-t-il son or ? Ou bien est-ce son or qui le possède ? »
Cette possession que l’or fait des humains, on la voit à l’œuvre dans un pays entier, pauvre et surpeuplé : l’Inde. Mais l’Inde et de nombreux Indiens se rendent compte que les importations massives d’or alourdissent la balance commerciale et font dévisser la roupie. Le gouvernement semble avoir gagné une première manche : en septembre, les achats ont baissé de plus de 80% par rapport à la même période 2012. La maladie de l’or, c’est le tiers des achats d’or dans le monde, soit près de 30 milliards d’euros, ou 10% des achats totaux du pays. Comment faire ? Demander un effort aux fédérations comme celle des pierres précieuses et bijoux ? Limiter les achats pour les particuliers ?
« L’or fait partie de l’ADN de l’Inde « . Car l’Inde (qui s’appelait « Bird of Gold ») avait des réserves d’or alimentant la mythologie, le panthéon des dieux chamarrés d’or issus d’un cosmos né d’un utérus d’or. Avoir de l’or, c’est être proche des dieux. Le manger en poudre dans le miel, comme au Kerala (Inde du Sud), c’est avoir une bonne fortune, en attendant de se voir glisser, à son décès, une pièce dans la bouche afin de bien vivre son trépas. Et gare aux pingreries en cas de mariage (10 millions de célébrations par an) : il faut offrir de l’or ! En offrir aussi à la fête d’Akshaya Tritiya, célébrant le début de la rédaction du Mahabharata– l’une des épopées mythologiques hindoues – par le dieu éléphant Ganesh. En offrir à la fête de Dhanteras, à la gloire de la déesse Lakshmi. En offrir encore et toujours…
Des fonctionnalistes ont vu l’or comme une sécurité, un moyen de thésauriser dans ce pays où le drame survient facilement et vous met sur la paille en un jour et dans la rue. Chez les cadres indiens, l’or est vu comme un actif financier sûr. Et chez les paysans le moyen de faire des transactions. Plus récemment, l’or est devenu une opportunité spéculative mais le fisc et les douanes surveillent.
L’or, pourtant ancré dans la culture, n’en finit pas de faire souffrir les Indiens. Il reste à espérer qu’ils ne se comportent pas comme le voyageur de Ruskin, noyé, agrippé à son or, ni comme tous ces malheureux, de Midas à Jason, Crésus, les empereurs byzantins, Pizarre, Charles Quint qui ne comprirent pas que la quête de l’éternité ne peut jamais être satisfaite par de l’or.
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Source : Frédéric Bobin, Le Monde, 10 octobre 2013
Une réponse à “L’Inde, que l’or rend folle”
Quelle étrangeté que ce perçage du nez, qu’apporte t-il de plus à la féminine beauté ?
Il me semble qu’il y eut en Europe 1 coutume bien pire qui consistait à revêtir des cadavres momifiés de saintes supposées avec de riches atours agrémentés de pierreries !
Je crois qu’encor il en existe des specimina dans des lieux de cultes bavarois .