La carte mère de la France?


Commenter une carte de P. Vidal Lablache, professeur à la Faculté des Lettres de l’Université de Paris… Une icône antique pour beaucoup de gens abonnés au numérique.  Pourtant, elle fut l’horizon de millions d’élèves qui ont usé leurs culottes et leurs jupes sur les bancs de l’école républicaine.

Tout a été dit dessus  : sa forme carrée, son ocre et vert, ses toponymes en plus ou moins gros casse d’imprimerie selon une hiérarchie tout à fait secrète pour les gamins que nous étions, comme écrasés par le Bassin de Paris  ? Et le Massif central dont Braudel disait qu’il avait été « inventé » par le chemin de fer…

Je voudrais ici surtout parler des fleuves . Ces trois peignes de la Garonne, de la Loire et de la Seine, caressant le relief dans le sens de la pente vers l’Atlantique. A l’est, ce bel ordonnancement est chamboulé : du « haut en bas et du bas en haut », le tout enchâssé dans des terres hautes, des montagnes qui se jettent dans la mer comme à Nice. Les enfants jurassiens que nous étions ne pouvaient pas rêver de ces géants qui ont obsédé tant de figures de la littérature, parce qu’ils en étaient trop loin. A quoi peut bien ressembler la Loire quand on habite sur le karst ? Tout au plus, tracions-nous un trait pour remonter le Rhône, puis la Saône, puis le Doubs, puis la Loue, puis le Lison jusqu’aux avens du plateau trouant la pâture communale.

Les fleuves sont des liens. Des sentiers de découverte comme la Marne remontée par Jean-Paul Kauffmann. Des grands boulevards de commerce avec des grèves, des ponts, des rapides, des îles, des confluents qui deviennent parfois des villes. Les deux métropoles lyonnaise et parisienne sont nées là.

Le lien entre la France et ses fleuves serait-il différent de celui de l’Italie avec le Pô, l’Allemagne avec le Rhin et l’Elbe, l’Espagne et le Portugal avec le Tage ? La tête du pays a oscillé longtemps entre Paris et Orléans : la France est née de cette hésitation qui a ancré l’ancienne monarchie sur ces deux grands bassins versants reliés par l’étonnant canal de Briare. La Garonne, elle, a orienté l’Aquitaine vers l’Atlantique, le Rhône vers la Méditerranée, autant dire d’autres mondes.

Haute-Loire, Loire Atlantique, Meuse….

Les fleuves ont moins uni que tiraillé la France en des directions opposées. Mais les hommes ont été plus forts. Ils ont rassemblé ces contraires, forgé des territoires avec les hydronymes pour mieux les apprivoiser, les faire apprendre par des générations de Français qui se sont repérés grâce à eux. Ils subsistent, numérotés blanc sur bleu, sur les plaques minéralogiques. C’est aussi de cette manière qu’ils vivent dans notre imaginaire.

 


2 réponses à “La carte mère de la France?”

  1. Le départementalisme est un fétichisme aussi pervers qu’abject :
    Les départements ont déshumanisé le pays en gommant les anciens terroirs tandis que des qualificatifs ridicules ont effacé les identités anciennes, les individus ainsi déracinés ont subis l’acculturation brutale sous le vernis asphyxiant de la modernité délétère .

    • Nous avons une hypothèse qui est que les terroirs ont resurgi avec les régions. Et si la France aime tant ses vins, c’est sans doute qu’elle a voulu retrouver cette géographie perdue à la Révolution.

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