Tous les projets actuels liés à la rationalisation des territoires semblent tourner autour de l’idée d’économie, une fois n’est pas coutume.
Mais l’argument financier est-il suffisant lorsque l’on s’attaque aux structures territoriales d’un pays comme la France ? Les hésitations et reculades du gouvernement révèlent la difficulté et la complexité d’un tel dossier. Le projet de suppression des départements de la petite couronne autour de Paris est tout à fait symptomatique des problèmes rencontrés. Comme souvent en France, tout le monde est d’accord pour que ça change, mais personne ne souhaite être concerné directement par le changement.
Le Grand Paris peine à naître alors que le Greater London ou le Grosser Berlin existent déjà depuis longtemps. Mais le débat plonge ses racines fort loin, à la fois dans le terreau révolutionnaire mais aussi royal, voire plus ancien encore, au moment où les premières paroisses étaient découpées par les évêques du haut Moyen-Âge. Les provinces d’Ancien régime ont la vie dure car elles ont été le cadre politique mais aussi culturel de la France. Mais la Normandie n’a pas la même ancienneté que la région Rhône-Alpes, par exemple. La sédimentation historique n’est pas partout la même.
Une nation aussi ancienne que la France pose donc d’évidents problèmes de cohérence et d’efficacité. Mais à l’instar de certaines élites « républicaines » auto-reproduites et jalouses de leurs prérogatives, les niches engendrées par les lois de décentralisation ont créé autant de nouveaux privilèges qu’il sera difficile de réformer.
La plupart des analystes s’accordent pour dire que le volet politique de ces fusions est particulièrement ardu en raison des problèmes de démocratie et de gouvernance. Dans le cas de Paris, il est évident que le président d’un Grand Paris serait extrêmement puissant, car l’Ile-de-France est un peu comme la Californie pour les États-Unis, en termes de taille, de population, de richesse.
Il faut admettre que les découpages territoriaux nouveaux ont en France été souvent faits… par les deux Napoléon, c’est-à-dire des régimes autoritaires. « Qui s’y frotte s’y pique« : telle semble la devise de ce dossier sur les fusions territoriales.
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Ci-dessus: « Châssis figuratif du territoire de la France partagé en divisions égales entre elles », proposition annexée au rapport du 29 septembre 1789 à l’Assemblée nationale de la commission dite « Sieyès-Thouret »