On le sait depuis peu: la France va devoir économiser 50 milliards pour complaire à ses débiteurs, bien difficiles à connaître par ailleurs. Et toutes les classes sociales vont participer à cet « effort ». Toutes? Mais non bien sûr! Les plus riches y échapperont et regarderont les classes « moyennes » se faire tondre en ricanant. Car ceux qui en ont les moyens, financiers et intellectuels, pratiquent l’évasion fiscale comme on irait au supermarché.
Le livre d’Antoine Peillon, Ces 600 milliards qui manquent à la France, rendent bien dérisoires les 50 milliards d’économie demandées à tous ceux qui n’ont pas les moyens, ou le cynisme, d’échapper aux prélèvements. Mais on nous fait avaler tant de couleuvres qu’une de plus ou de moins… Faire accroire que la France est plus pauvre maintenant qu’elle ne l’a été il y a trente ans, voilà un tour de force inouï, et qui pourtant marche. On nous fait croire que les temps sont durs, que rien ne va plus, qu’il va falloir se serrer la ceinture. Comme en 1974, 1979, 1986 et 2002… Mais le haut du panier de la société ne se serre pas du tout la ceinture. ils regardent, encore une fois, l’orage s’abattre, et se moquent bien des conséquences sociales de cette sacro-sainte économie « libre et sans concurrence faussée » qui leur profite tant. Cela sonne comme un dogme seriné de génération en génération. Une méthode Coué qui donne ses fruits puisque personne ne remet en cause le bien fondé du système de la dette. On oublie au passage de dire que les populations d’Europe pressurées ne sont pas responsables du trou d’air engendré par les subprimes. Le sort réservé au Grecs est ignoble et devrait nous faire honte en tant qu’Européens.
Mais le divorce entre capital et travail est consommé depuis longtemps. Autrement dit, la sphère financière a acquis une telle autonomie qu’elle crée de l’argent beaucoup plus vite et dans des proportions telles que l’économie de production « réelle » ne peut pas la rattraper.
Dans le cas de la France, l’évolution du PIB a été une multiplication par 6 environ entre les années 1950 et 2009: environ 4 900 € par an et par habitant en 1950 contre plus de 25 000 € en 2009! En ne prenant que l’évolution récente, pour les années 2000, le PIB a donc encore progressé. Comment peut-on dire que le pays s’est appauvri? Et même en tenant compte de l’inflation, l’enrichissement du pays est indéniable. Où est passé l’argent?
Eh bien, il est dissimulé chez les privés, et l’État se retrouve sans ressources. Mais il ne faut pas confondre un problème de rentrée d’argent dans les caisses de l’État avec un appauvrissement général du pays. On assiste à une sorte d’effet de marée: l’argent se retire de la sphère publique et disparaît au loin, sur des comptes privés eux-mêmes cachés dans des paradis fiscaux.
Pour avoir une idée du cynisme de ce système il suffit d’aller voir la page d’un site qui promeut ouvertement le recours aux paradis fiscaux, appelé tout simplement Paradis Fiscaux. Si l’État vous spolie, qu’à cela ne tienne, les systèmes offshores vous protègerons!
Pourquoi nos dirigeants ne s’attaquent pas sérieusement à ce problème et préfèrent mettre en coupe réglée leur population? Sans doute parce qu’eux-mêmes participent à ce système: l’affaire Cahuzac a tout de même montré la collusion entre pouvoir politique et financier, y compris au plus haut niveau de l’État. Et que dire des grandes entreprises qui ont recours à l’ »optimisation fiscale »? Ce terme très séduisant recouvre des pratiques qui rejoignent finalement celles du grands banditisme. Et ce sont littéralement des dizaines de milliards d’euro qui échappent à la collectivité. De quoi résorber bien des dettes.
Car on a beau brocarder l’État, celui-ci est tout de même censé représenter (et protéger!) le bien commun. Mais que penser lorsque celui-ci protège ouvertement les plus puissants au détriment de tous les autres? La guerre des classes n’est pas finie, elle se mondialise, tout simplement.