(Etudiants d’origine pakistanaise à Londres)
Sujet tabou en France, le comptage de la population par les origines ne l’est pas au Royaume-Uni. Le centre de recherches Policy Exchange évalue la transformation de la population britannique au cours des décennies à venir : un citoyen sur trois sera originaire d’un pays du Sud (contre un sur sept aujourd’hui).
Dans son étude « Un portrait du Royaume-Uni aujourd’hui » parue ces jours-ci, Rishi Sunak et Saratha Rajeswaran, les auteurs, avertissent : « le visage du Royaume-Uni a changé » . Deux des « héros qui ont contribué au triomphe britannique lors des JO de Londres en 2012 » sont un immigrant somalien, Mo Farah, et une « métisse venue du Yorkshire », Jessica Ennis, qui « ont conquis l’âme de la nation et sont devenus les représentants de l’incroyable diversité britannique ».
Pour eux, la population issue de pays non européens – Inde, Pakistan, Bangladesh, ressortissants des pays d’Afrique noire ou des Caraïbes, principalement – va doubler d’ici à 2050. La part de cette population pourrait passer de 14 % aujourd’hui à environ 30 % (16 millions) en 2050.
Pour N. Lacube (1), cette croissance s’explique par la jeunesse de cette population et son dynamisme démographique. L’âge médian des Bangladais est de 22 ans, celui des « Blancs » est de 39 ans. « Selon les chiffres du dernier recensement, les non-Blancs ont dépassé en nombre les Blancs à Londres dans tous les groupes de population de moins de 20 ans », écrivent Rishi Sunak et Saratha Rajeswaran, cités par N. Lacube qui relève aussi que déjà, sur les dix dernières années, la population blanche est restée environ au même niveau (autour de 50 millions), quand la population des minorités ethniques doublait de taille.
La première conséquence est électorale, les Britanniques d’origine africaine ou asiatique votent travailliste : « à 68 % lors des dernières élections en 2010, qui ont porté au pouvoir le gouvernement de David Cameron, grâce au vote des Blancs (37 % ont voté conservateur). » A Londres, Birmingham et Manchester, les Britanniques « colorés » représentent la moitié de tous ceux qui sont au Royaume-Uni. Ce qui signifie aussi qu’il faut des services sociaux plus étoffés : la population est plus pauvre que la moyenne. Le chômage frappe 6,6 % des Blancs, mais 8,1 % des Indiens, 14,8 % des Caribéens, 15,3 % des Pakistanais, 17,7 % des Bangladais, et 18,3 % des Africains.
Enfin, l’éducation est un autre défi pour Policy Exchange. « La population blanche commence à rester en arrière par rapport aux autres groupes ethniques ». Surtout après le bac : quand 70 % des Indiens, 66 % des Africains, 63 % des Bangladais, 62 % des Pakistanais et 53 % des Caribéens entreprennent des études supérieures, seuls 43 % des Britanniques blancs font de même.
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(1) La Croix, 7 mai 2014