(Internet dans une favela, Brésil)
Internet et la grande magie d’un monde formidable, ouvert, solidaire, tout ça c’est de la blague. Internet n’uniformise pas le monde. Internet nous conduirait au septième ciel d’une conversation justement « globale » ? Cette conversation n’existe pas. Tout le monde peut interroger le Chili ou la Nouvelle-Zélande, « skyper » avec Haïti ou les Inuits, mais personne ne le fait, ou si peu. Parce qu’à moins d’avoir une connaissance ou un travail au Chili ou en Nouvelle-Zélande, et en étant sûr d’atteindre un poste en Haïti ou au Nunavut qui soit équipé, on n’est pas sûrs de franchir les barrières de la langue. Même chose pour Facebook, réseau dans lequel la majorité de nos contacts habitent dans notre périmètre. Pour le journaliste Frédéric Martel, Internet, c’est la connexion au local !
L’avantage du travail journalistique, c’est qu’il raconte les pratiques d’internet dans les bidonvilles africains ou brésiliens. Et là, on est loin des visions de la Silicon Valley ! Les approches territoriales des pratiques sont très loin des rêves mondialistes des géants du secteur. La preuve : la Chine a presque rendu les Américains indésirables sur son territoire numérique ! Et sans peine, parce que les Chinois, dans leur grande majorité ne sont pas intéressés par ce que font les Américains… notamment à cause de la barrière de la langue, l’inverse Chine/Amérique étant vrai aussi. La Chine a près de 600 millions d’internautes, soit plus que l’Europe et l’Amérique du nord réunis !
Les innovations sur Internet sont vitales pour les pays qui arrivent au numérique sans transition avec le « rien ». Comme c’est le cas de l’Afrique. Mais nul ne sait où cela va nous mener (1).
En Europe, la principale question est celle de la dépendance à l’égard des Etats-Unis, une situation qui n’est pas acceptable sur le plan politique. Comment accepter que Google détienne 86% des parts de marché en Europe ? Angela Merkel, vexée d’avoir été surveillée par la NSA, demande un réseau européen. Pour Frédéric Martel, la division en Europe, notamment à cause du Luxembourg et de l’Irlande qui sont des porte d’entrées américaines au réseau, est très préjudiciable. Même si l’Europe tient son rang sur les applications, la vidéo (Dailymotion), le streaming musical (Deezer, Spotify).
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(1) Pénya National Library est située au cœur d’un bidonville. « Je parcours la bibliothèque avec Jesse et Peter. Ce dernier me montre des tablettes Samsung (…) qu’il conserve dans une armoire fermée sous clef, en attendant l’installation du wi-fi. Cela devrait permettre un meilleur accès à Internet dans le bâtiment, alors qu’il faut pour l’instant monter sur le toit pour accéder via un smartphone à la 3G. (…) Dans ce bidonville comme ailleurs sur le continent, les Africains vont sauter l’étape de l’ordinateur personnel pour accéder à Internet directement sur une tablette ou un téléphone mobile. »