Où est née l’Europe, demande-t-on aux géographes ? A Athènes, à Rome, à Aix-la-Chapelle avec Charlemagne ? Dans les cabinets des philosophes des Lumières ou sur les théâtres de guerre ? Dans la tête de Napoléon, celle de Hitler ou dans les camps de concentration découverts à la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Sans doute, un peu dans tous ces lieux, mais surtout dans le cœur de quelques hommes qui eurent la force de dépasser le dégoût, l’abattement et l’amertume ressentis par les peuples pendant les guerres.
Ainsi, pourrions-nous situer la déclaration quasi prophétique de Robert Schumann le 9 mai 1950 dans le Salon de l’horloge du Quai d’Orsay à Paris comme le berceau de l’Union européenne. Cette scène peut nous paraître, sur ces images, anecdotique, à la saveur de langue de bois devant une assemblée brouillonne, un décor du carton-pâte et de dorures, du grandiloquent suranné.Une image moche d’une époque où l’industrie se relevait de la guerre.
Schumann et sa voix rendue métallique par un mauvais enregistrement lisant son texte nous semble d’un autre âge. Et pourtant, ces quelques phrases co-écrites avec Jean Monnet, et avalisées par nos pays voisins, vont être la pierre d’angle de cette construction improbable, impensable, inouïe qu’est l’Union européenne. Tous ceux qui pratiquent le bashing de l’Europe, y compris ceux qui sollicitent nos suffrages pour la déctricoter, paraitraient à Schumann et Monnet de bien médiocres imposteurs.
Quelques lignes de cette déclaration pouvent situer le Quai d’Orsay au bord de la Seine, comme le berceau de notre Europe politique. Laissons la parole à Schumann :
- «La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent.»
- «L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait.»
- «La mise en commun des productions de charbon et d’acier (…) changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes.»
Un peu plus de soixante ans après….