Le site du Guardian propose quelques pépites à ses lecteurs, dont une section présentant des cartographies interactives.
La carte présentée ici donne une représentation mondiale du « trafic humain ». On peut entendre par là toutes les manières d’user et abuser d’autrui, depuis du travail forcé jusqu’à ce que l’on peut appeler de l’esclavage, c’est à dire une manière de disposer d’autrui à sa guise.
Parler d’esclavage peut sembler excessif, et pourtant, il n’en est rien. Il se dissimule, prend des aspects plus feutrés, mais l’exploitation de l’homme par l’homme a encore de beaux jours devant lui. Certains scandales éclatent en France ou ailleurs en Europe sur des domestiques illégaux traités en esclaves, sans papiers, maltraités, dégradés. Et puis on oublie…
En fait, le phénomène est mondial et reflète une sorte de contre-mondialisation, comme l’image inversée: du vert au rouge, on va du meilleur vers le pire. En vert, des pays comme les États-Unis, le Canada ou la plupart des pays d’Europe, qui respectent les traités de protection (Trafficking Victims Protection Act’s, TVPA). En jaune, des pays « émergents » ou émergés, comme le Brésil ou l’Inde, mais aussi l’Afghanistan et la Roumanie. Puis viennent la Bolivie, l’Ukraine, Madagascar, la Chine. Et enfin, on trouve la Russie, l’Algérie, l’Arabie Saoudite, la République Démocratique du Congo et la Thaïlande.
C’est un vrai kaléidoscope mondial, avec des situations très contrastées, mais inquiétantes. Le rouge, ce sont les pays qui ne respectent pas les traités de protection des victimes et ne font pas « d’efforts significatifs ». Les domestiques philippines, font partie de ces populations exploitées et en même temps invisibles…
Notre époque se targue d’être progressiste, mais en réalité, la situation semble empirer, au gré des guerres, de la pauvreté mais aussi du « développement » économique sans limite. Le cas de la Chine est à cet égard exemplaire. La croissance n’est en aucun cas la garantie du respect de la vie d’autrui. C’est une réalité dérangeante mais bien visible.
Pourquoi parler alors de contre-mondialisation? Parce que la carte révèle aussi une géographie mondiale de l’exploitation humaine, qui est une sorte de contrepoint de la mondialisation. En effet, comme il y a maintenant une évidente division internationale du travail, avec des aspects sombres tels l’industrie textile bangladeshi, il y a aussi une division internationale de l’exploitation humaine, bien représentée en Afrique subsaharienne mais aussi au Maghreb, et jusqu’en Russie. C’est moins évident à vérifier, et c’est pourquoi cette carte est utile et intéressante.
Le progrès lié à la croissance marque le pas, et la « matière humaine » s’échange à bon prix. Si l’on y ajoute les possibilités offertes par le développement des biotechnologies, on peut légitimement s’inquiéter.