Au moment où les Français contemplent le cirque médiatique électoral britannique, les Anglais aiment renvoyer par-dessus le Channel le souvenir d’une bataille dont ils sont persuadés qu’elle résume leurs immenses qualités. Waterloo, située, rappelons-le, à vingt kilomètres au sud de Bruxelles, n’est pas entrée dans l’Histoire par le hasard. Napoléon fut pris à son propre piège, lorsqu’il se vantait de « parler à l’imagination des peuples ». Waterloo, pour les Anglais, c’est le suspense.
Pourtant, sur le papier, Napoléon avait gagné. Ne se vantait-il pas le matin-même de la rencontre : « Ce sera l’affaire d’un déjeuner » ? Mais la veille, Wellington avait envoyé un billet à sa chérie (une Anglaise) pour l’enjoindre de préparer ses bagages. Parce que, pour Laurent Joffrin, auteur de Seul contre tous. Cent jours avec Napoléon, ‘il « craint la défaite qui ouvrira Bruxelles aux Français » (1).
Ce suspense va sauver les Anglais, tenaces, patients, acharnés à la gagne et qui attendent les Prussiens. Ils savent qu’ils tiennent l’estocade contre cette foutue France révolutionnaire et impériale qui leur a empoisonné la vie. Si Waterloo sonne la défaite française, « l’Europe est débarrassée de l’hyperpuissance française, et trouve un équilibre qui assurera la paix pour cinquante ans » (Joffrin).
Rien n’était écrit : depuis son retour d’Elbe, Napoléon affronte une Europe coalisée. « Seul contre tous ». En prenant de vitesse ses ennemis, il entre en Belgique et ses 100 000 hommes se glissent entre l’armée de Wellington à l’ouest, et celle de Blücher à l’Est. En deux jours de campagne, les Prussiens sont écrasés à Ligny. Wellington, trouillard ou prudent, recule de Quatre-Bras à Mont-Saint-Jean où ils comptent stopper les Français qui tentent de gagner Bruxelles. Le 17 juin, Napoléon se présente non loin de la forêt de Soignes. Le terrain est exécrable, plein d’eau et de boue. Il faut attendre que la terre sèche (un vent du Nord pourrait faire l’affaire) avant d’attaquer. La bataille devait commencer le 18 juin à 9h et les Français avaleraient les Anglais.
Amorçant un leurre à l’Ouest, vers Hougoumont pour pousser Wellington à dégarnir son front au centre, les Français commandés par Drouet d’Erlon tentent de couper l’armée ennemie en deux. Rien ne se passe comme prévu : « Les fantassins anglais couchés dans les blés se lèvent soudain pour fusiller les assaillants » note Joffrin qui surveille Napoléon en train de lorgner des Prussiens qui débarquent – mais que fait Grouchy ? – sur le champ de bataille. Tout s’accélère.
Les Français, renforcés par la cavalerie de Ney, chargent les Anglais. Wellington sent ses pieds se dérober. Mais, les Français sont rattrapés par les Prussiens. Et Wellington porte l’estocade par une charge en masse.
« Décidément, même si la ville se trouve au coeur de la Belgique, il n’y a pas plus anglais que Waterloo ».
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(1) Waterloo, l’indélébile totem britannique, Challenges, n° 432, 2015
Une réponse à “Waterloo, un lieu si anglais”
Petit tondu et grande blonde.
A bon ?
Et moi qui boudais la « Stout » depuis la guerre de cent ans, en appréciant la bière belge !
Aurai-je commis une erreur historique ?
Je sais donc maintenant que quand les Belges boivent, ce sont les Anglais qui trinquent.
A votre santé