Qui connaît Clipperton en France? Faudra-t-il se battre comme Margareth Thatcher s’est lancée pour les Malouines pour que cet atoll minuscule de 6 km2, dont 2 km2 de terres émergées, situé à 1 300 km du Mexique et 6 000 km de Tahiti à laquelle il est administrativement rattaché depuis 1936 sorte de l’anonymat ? En pleine crise des réfugiés, un milliardaire égyptien copte, Naguib Saviris qui cherche à acheter une île en Méditerranée, pourrait regarder le dossier de cet îlot découvert en 1705 et reconnu par le Mexique en 1959.
« La France se croit continentale et européenne, alors qu’elle est mondiale et maritime. C’est pourquoi j’ai défendu l’idée de valoriser Clipperton à l’Élysée. Le premier ministre m’a chargé d’un rapport sur la valorisation scientifique de Clipperton que je dois rendre avant le 30 novembre » annonce Philippe Folliot, député UDI du Tarn (1), qui va éclairer Valls sur l’avenir de cette île d’ici la COP 21.
Le géographe Christian Jost, de l’université de Lorraine, a mené une mission au printemps 2015, dix ans après une exploration de Jean-Louis Etienne. Dans le sillage de la Marine nationale qui visite régulièrement l’île pour rappeler la souveraineté française. Philippe Folliot (1) y a accosté à bord de la frégate Prairial : « Pour l’heure, Clipperton est une jachère et les plages sont jonchées de déchets. »
Habitable, mais inhabitée, Clipperton pourrait, grâce à la géographie, devenir un observatoire stratégique pour l’environnement, une zone de protection dans le Pacifique Nord où, selon Denis Sergent, « au XXIe siècle, le centre de gravité de l’activité économique va se déplacer vers cette région. Ce serait donc une erreur de ne pas valoriser Clipperton ».
Dans les années 1980, on traçait en classe un beau cercle autour de cet atoll pour désigner la ZEE (zone économique exclusive) dont on nous disait qu’elle représentait deux fois la superficie de la France métropolitaine et qu’au fond de l’océan, gisaient des milliers de tonnes de nodules polymétalliques… Adieu les nodules, bonjour les thonidés (thons, bonites, marlins, espadons) qui frayez en masse dans cette zone ! On va s’intéresser à vous. Ou plutôt aux (méchants) Mexicains qui pêchent indûment ici, refusant les contrôles comme on a pu le constater au printemps dernier. Le pillage a été évalué à des milliers de tonnes par an. Qu’attend le chef de guerre François Hollande qui n’est jamais aussi bon qu’avec son ministre breton sur les théâtres de conflits étrangers ?
Pour Philippe Folliot qui va suivre la renégociation des accords de pêche, il faut sans doute instaurer des droits de pêche, une base scientifique internationale avec le Mexique. « Clipperton pourrait alors être divisée en trois parties : une zone de protection intégrale, notamment pour les oiseaux marins (110 000 fous masqués, la plus importante communauté du monde), une zone scientifique et, peut-être, une zone portuaire. »
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(1) Source de cet article : La Croix, 6 septembre 2015. Ph. Folliot est aussi l’auteur de « France-sur-mer, un empire oublié », aux Eds du Rocher, en 2009
Un article ici
4 réponses à “Clipperton, île (française) de la Passion: à vendre ?”
Cet été, il y eut une excellente émission sur France Inter consacrée à l’île de Clipperton, extrêmement fouillée et documentée. Idem pour l’éventuel classement par l’Unesco de la promenade des Anglais à Nice, sauf que c’était Télérama qui en faisait sa une. Je pourrais multiplier les exemples à propos de vos sujets. Pourquoi ne pas devancer le travail des journalistes?
Les journalistes sont payés pour cela, ils ont les infos avant ! A geographica.net, on est dans le bénévolat…
Bonjour. Pour compléter la réponse de Gilles, il faut comprendre que geographica.net traite l’information sous un angle géographique, mais le site ne produit pas forcément l’information. Nous travaillons avec le journalisme, mais pas forcément en tant que journalistes. En revanche, cette approche plus géographique proposée par notre site nous semble importante car la culture géographique des journalistes et la présence de la géographie dans les grands media sont encore très (trop) faibles. C’est cette constatation qui nous a poussés à lancer geographica.
La question est maintenant de savoir si la gestion Halieutique prônée par les hautes compétences françaises, suffira à faire changer le Mexique de « Thon » dans ses prétentions aquatiques, et pourra faire en sorte que ce « semi atoll-poubelle », épuisé de son guano fertile et débarrassé du rat prédateur, redevienne une réelle terre d’accueil. En confiant cette mission à l’Egyptien Nabib Saviris nous auront peut-être la chance, tout comme en son temps le Commandant Cousteau l’avait flairé, de découvrir un peu de pétrole dans le lagon, ce qui pourrait achever une bonne fois le massacre environnant. En cherchant l’amélioration, ne rencontrons-nous pas souvent l’inverse ? Lorsque Michel Houellebecq dit (Rester vivant) : « Toute passion vraiment profonde porte en soi son contraire », sans qu’il ne songeât pas en l’occurrence à l’ile du même nom, il n’imaginait probablement pas non plus la portée universelle et géographique de sa pensée.