Calais a été assiégée par les Anglais en 1346. Aujourd’hui, elle l’est par les damnés de la guerre au Moyen-Orient qui attendent le passage vers l’Angleterre. La France se débat depuis des années devant ce goulet d’étranglement du franchissement du Channel. Aujourd’hui, les dunes littorales sont devenues une « jungle ». Ce mot sanskrit, जङ्गल (jaṅgala), est une métaphore évoquant plutôt la forêt tropicale depuis le livre de Kipling, mais il décrit aussi toute terre « sauvage », non cultivé.
Aujourd’hui, ce sont des milliers d’être humains de tous âges, épuisés par un voyage terrible, livrés à eux mêmes dans un gigantesque bidonville, nourris une fois par jour, sans accès (ou presque) à une douche, des toilettes, victimes d’épidémies de gale, de blessures, d’abcès dentaires. Les femmes y sont violées, les enfants livrés à eux-mêmes. Les policier, excédés, peuvent y céder à la violence. Des ratonnades par des militants d’extrême-droite y sont organisées.
Une pétition a été lancée par Libération
« Au prétexte que des conditions de vie moins inhumaines pourraient produire «un appel d’air» envers d’autres réfugiés, le gouvernement de notre pays a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés. Celles-ci sont admirables mais ne peuvent pas tout.
Ce désengagement de la puissance publique est une honte dans un pays qui même en période de crise, reste la sixième puissance économique mondiale.
La spirale du pire est amorcée.
Les discours réactionnaires ou fascisants ne cessent depuis des années de diviser les gens, d’opposer des catégories toujours plus fragmentées, pour mieux propager leur idéologie haineuse.
Aujourd’hui leur propagande avance l’argument qu’il n’y aurait plus de place pour les exilés d’où qu’ils viennent, soi-disant au nom de la défense des plus pauvres des Français.
Cette mise en concurrence des indigences est ignoble.
Elle nous habitue à l’idée qu’il y aurait des misères défendables et d’autres non.
Elle sape les fondements des valeurs constitutives de la France.
Elle nie notre humanité commune.
Elle nous prépare au pire.
Alors que ce sont, précisément, ces mêmes associations, ces mêmes bénévoles, ces mêmes hommes et femmes de bonne volonté qui nous alertent aujourd’hui sur Calais et qui agissent depuis des années à panser toutes les misères de France. Alors que ce sont, précisément, les mêmes hommes et femmes politiques, ou les mêmes discours qui attisent le feu en soufflant sur les braises des divisions mortifères, qui, par leur action ou leur manque d’action politique, accentuent la pauvreté des plus pauvres et sont incapables de lutter efficacement contre le mal logement ou la misère alimentaire.
Aujourd’hui nous avons décidé de prendre la parole tous ensemble pour dire non à la situation réservée à ceux qui sont actuellement les plus démunis de droits en France : les exilés de Calais. Au nom de nos valeurs communes d’asile et d’universalisme.Et parce que nous serons plus forts demain pour nous battre ensemble contre les autres formes d’injustices et de misère.
Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve. »
Change.org pour signer à votre tour
Actualité une semaine plus tard
Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, a visité pour la 7e fois la jungle fin octobre 2015. L’Union européenne, la France et le Royaume-Uni ont dépensé 40 millions d’euros pour des solutions partielles qui ne règlent pas le fond des migrations vers l’Angleterre. Calais est une affaire autant britannique que française. C’est un problème européen comme Lampedusa ou Lesbos sont des têtes de pont européennes. Le règlement de Dublin, désormais caduc, impose une renégociation avec Londres, pour l’ancien premier ministre A. Juppé.
Un excellent dossier du Monde mis à jour le 5 septembre 2015
La carte des migrants à Calais par Delphine Papin (géographe) et son équipe du Monde (cliquer ici pour une version plus lisible)
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