On n’en avait pas encore parlé, mais tout le monde en parle: la coupe d’Europe de Football, plus familièrement appelée l’Euro, bat son plein tandis que les Britanniques (ou plutôt les Anglais, Gallois, Irlandais et Écossais), sont dans le tumulte et la consternation après le résultat du si génial référendum initié par Cameron.
Coupe que nul attentat ou manifestation ne saurait interrompre. On l’aura noté, alors que les manifestations contre la Loi Travail sont corsetées, encadrées et jugulées par des dispositifs de CRS impressionnants, l’Euro, lui, suit son cours et prend des allures de grand messe sportive, avec ses silences et ses clameurs dominicaux si caractéristiques des grands matchs (dernier en date, France-Irlande). Ferveur collective qui masque bien mal les divisions tant françaises qu’européennes.
Cette communion savamment orchestrée prend aussi des allure de grande distraction collective, encadrée par un pouvoir attentif à détourner le peuple de sujets plus contrariants et moins consensuels. Et, tristement, ça marche. Est-ce une caricature? Pas vraiment. On sait à quel point le sport peut être un point focal pour les luttes politiques. Naguère, les courses de char à Byzance pouvaient défaire les empereurs les mieux installés. Le sport n’est donc jamais anodin finalement.
Cette coupe d’Europe fait vivre une unité encore très virtuelle. Les Anglais ont-ils perdu face aux Islandais à cause d’un moral défaillant? C’est possible, surtout quand on sait à quel point le mental compte pour ces matchs sous haute pression. Le contraste fameux entre « locaux » et « invités » révèle à quel point le lieu du match est important, tout comme les correspondances et projections symboliques des uns et des autres dans les espaces nationaux.
Jean-Pierre Augustin a savamment exploré la géographie du sport et ses attendus imaginaires ou non. Les lieux de rencontre pour les matchs, les publics, leurs manière d’investir l’espace, les violences même, tout cela engendre des espaces du sport qui font sens autant pour les supporteurs que les équipes.
Alors que l’Europe entre une nouvelle fois dans la tourmente à cause notamment du vote anglais, on peut se demander à quel point cette Europe au fond plutôt désunie existe à travers le sport. Le fait d’appeler la coupe d’Europe « euro », comme la monnaie unique qui fait partie des emblèmes de l’Union Européenne, n’est pas fortuit. Cela veut peut être dire que cette coupe d’Europe reflète aussi une réalité européenne qui fédère jusqu’à la Turquie et la Russie.
En France, la géographie des stades reflète aussi une volonté de répartir sur tout le territoire les lieux de rencontre. Le développement territorial montre le bout de son nez dans ce qui représente des équipements importants et qui marquent les paysages où ils sont construits. Il y a donc toute une géopolitique du sport, comme il y a une géographie, mouvante et surtout, significative à plusieurs niveaux, social, politique, économique, culturel, et enfin… sportif.
En une: la fan zone à Lyon Crédit : ROMAIN LAFABREGUE / AFP