Des harengs Bismarck pour François Hollande


Ci-dessus: François Hollande brandit son tonnelet de harengs, visiblement ravi… Photo Bundesregierung/Bergmann

 

Le Canard enchaîné de cette semaine relevait une incongruité culturelle dont on peut se demander à quel point elle est voulue ou pas… Et les conjectures peuvent aller bon train. En effet, Angela Merkel a accueilli dans ses terres de la Baltique François Hollande pour une visite « privée ». La chancelière  a offert un tonnelet de harengs à la Bismarck au président de la République. Hollande a trouvé le cadeau « merveilleux ».

Les fameux harengs. Source: Olsen

Soit, le hareng, bien préparé, est bon, et la Baltique est grande pourvoyeuse de ces poissons qui sont ensuite marinés en saumure. Le hareng était un appoint important durant toute la période médiévale, notamment dans les Républiques hanséatiques du nord de l’Europe. Pendant le carême, et les jours maigres dans la chrétienté d’alors, la consommation de harengs était importante. Il en va de même de la morue pour les pays plus au sud. Comme le relève La Voix de la Russie, « le mets traditionnel allemand « hareng Bismarck » (en allemand – Bismarckhering) en est, semble-t-il, le plus connu. Il est préparé de petits morceaux de hareng en marinade aigre. La marinade doit être faite de sel, de vinaigre, d’oignon, de graines de moutarde et de laurier-sauce. Parfois on y ajoute aussi de la carotte coupée en brunoise.

Bismarck et son légendaire casque à pointe. Source: Bundesarchiv

« Si le hareng était aussi cher que le caviar, le monde entier en aurait apprécié le goût », disait Bismarck adorant les mets de hareng. Selon une version, un marchand de poisson de Stralsund Johann Wihman envoie en 1871 à Bismarck un tonnelet de hareng spécialement préparé que le chancelier aime à tel point qu’il permet de lui donner son nom. D’après d’autres sources, un propriétaire d’un restaurant de Flensburg envoie du hareng à Bismarck. Quoi qu’il en soit, la gloire du hareng franchit les frontières nationales. L’auteur d’un livre gastronomique publié pour la première fois à New York en 1913 écrit : « Probablement, la gloire de Bismarck sera oubliée mille ans après mais le hareng Bismarck sera servi jusqu’à ce que ce poisson disparaisse des mers ». »

Les principales itinéraires commerciaux de la Hanse. Source: Wikipedia

On se demande bien la signification d’un geste qui renvoie à des épisodes plutôt sombres de la geste nationale française. Bismarck pour les Français est plutôt associé à l’impérialisme et au pangermanisme allemand, dont l’Alsace Lorraine avait fait les frais. En même temps, tous les hommes politiques importants (et Bismarck en fait partie) ont laissé leur marque sur la gastronomie de leur temps.  Si Hollande a  bien accepté ce cadeau, c’est peut être aussi parce que cette époque guerrière est assez loin pour que la charge négative du personnage de Bismarck en soit atténuée. Les harengs sont un mets simple, mais savoureux. C’est donc un cadeau qui n’est pas si maladroit. Surtout, s’adressant à un Français, pour qui la bonne chère compte, le cadeau sera sans doute apprécié. Ceux qui connaissent les pays de la Baltique savent que déguster toutes sortes de variétés de harengs marinés, en été, est un pur plaisir, surtout si l’on arrose le tout de schnaps ou d’aquavit aromatisés. « Glücklich wie Gott im Frankreich« , disent les Allemands en pensant à l’art de vivre ici, « Heureux comme Dieu en France« . C’est tout dire. Donc, pour adoucir des rapports un peu crispés, le langage culinaire n’est pas le plus inadéquat. La géopolitique culinaire, ça existe.

 

 

 


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