La Syrie, les révoltes des pays arabes et l’Ouest


Peut-on faire une lecture religieuse de la guerre civile en Syrie ? Cette question en amène une autre, qui est celle de l’importance de la religion dans les sociétés musulmanes actuelles. Et de l’importance de la religion tout court. Nos sociétés « occidentales » sont tant sécularisées que la lecture religieuse de l’histoire apparaît à beaucoup comme d’un autre âge.

Les différents groupes présents en Syrie

Pourtant, la fameuse petite phrase de Malraux, (sans doute fictive), « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas » peut faire réfléchir : En effet, les problématiques religieuses ont comme on sait resurgi depuis la fin de la guerre froide, même si certains pensent malgré tout que le « stade religieux » (comme aurait pu dire Auguste Comte) doit être dépassé. L’actualité semble leur donner tort.

La Syrie représente un paysage non seulement religieux, mais surtout spirituel de premier ordre, ne l’oublions pas. Les Assad appartiennent à une minorité, les Alaouites, aux doctrines très originales et plutôt éloignées de l’islam standard. Et il y a aussi les Druzes, les chiites duodécimains, les sunnites… et les chrétiens. Chaque confession a ses réseaux, ses territoires, ses logiques. Et les confréries religieuses exercent aussi un rôle variable, mais jamais négligeable dans les évolutions historiques tant locales que nationales. Tout ceci dessine une géopolitique religieuse où les doctrines jouent encore un rôle important, mais souvent en sous-main.

L’autre contre-sens est de considérer la séparation du religieux et du politique comme allant de soi. La religion est historiquement un encadrement puissant, mais elle concerne aussi les fins dernières. Or, le politique a comme but, dans cette perspective, d’assurer le salut de la population. Il y a là convergence. La montée en puissance de l’islam fondamentaliste remet en cause la pluralité religieuse qui a été la réalité du Proche-Orient depuis toujours. Cela constitue une appauvrissement civilisationnel indéniable. L’État syrien laïc a préservé un équilibre précaire qui est en train de chanceler.

Mais il est vrai que la vision occidentale de l’islam a été gravement altérée par l’islamisme terroriste de Ben Laden. Celui-ci a gagné en principe en fabricant puis en imposant une image si caricaturale de l’islam, qu’aller au-delà des clichés est aujourd’hui une tâche difficile, sinon impossible.

Dans le cas des « révoltes arabes » (mais les dénominations sont diverses), on a vu les islamistes prendre les commandes dans plusieurs pays « libérés ». On supposait alors qu’une jeunesse laïque, (c’est à dire non-religieuse), occidentalisée et avide de consommation, comme nous en somme, allait arriver au pouvoir.

La modernité à l’occidentale, cette espèce de rouleau compresseur qui écrase tout et réduit tout à du commerce trouve là une résistance imprévue.

Sommes-nous, enfin, capables de comprendre les cultures différentes de la « nôtre » ? Beaucoup de bons esprits ont annoncé dans la grande presse la « différence radicale » entre l’islam et « notre » civilisation. Vraiment ?

La géographie a beaucoup à dire sur toutes ses questions, mais faut-il encore que les grands media lui en donnent la possibilité.

Pour en savoir plus :

Une sélection d’articles sur la Syrie sur le site du Monde diplomatique
Un entretien avec Fabrice Balanche, sur le site les Clefs de l’Orient.
Un article récent de Libération, sur une lecture « confessionnelle » de la Syrie
Sur le processus de sécularisation, un livre toujours d’actualité : René Guénon, La Crise du Monde moderne, Gallimard, 1927

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