Le chêne de Gustave Courbet revient du Japon


Aujourd’hui, la Franche-Comté retrouve une toile que Courbet avait peinte dans sa région d’Ornans en 1864. Une toile qui, comme beaucoup d’autres, a circulé dans le monde, pour la sensibilité des acheteurs plus que pour le marché lui-même, on l’oublie trop souvent. Juliette, la soeur cadette de Gustave Courbet, avait dû s’en séparer après la mort de son frère.

Parti aux Etats-unis en 1898 chez le collectionneur Henry C. Gibson, puis à la Pennsylvania Academia of the Fine Arts de Philadelphie, il avait migré au Japon en 1987 chez Mishimasa Murauchi sans que la France s’en porte acquéreur à la vente chez Sotheby’s New York. Prêté pour une exposition au Grand Palais en 2007, il fut une grande découverte pour les autochtones du plateau d’Amancey qui connaissaient l’emplacement de ce chêne magnifique, depuis foudroyé.

Cette toile intéresse les amateurs de Courbet parce que certains y voient un autoportrait. Courbet était un homme fort en gueule, assez peu aimable et souvent vantard. A l’occasion d’un Salon où le chêne fut exposé, Courbet avait sous-titré la toile  :  Le Chêne de Vercingétorix, camp de César près d’Alésia, Franche-Comté,  se campant comme un peintre régionaliste. Il fait allusion à une querelle jamais éteinte mais particulièrement violente à propos de l’emplacement du site de la bataille d’Alésia au milieu du XIXe siècle.  A l’époque, on hésitait entre deux villages, celui d’Alaise, sur la route de Flagey à Salins et celui d’Alésia en Bourgogne en faveur duquel Napoléon III avait finalement tranché dans son Histoire de Jules César (1866). L’enjeu était de fabriquer Vercingétorix comme un héros pour la France. Derrière, il y avait la haine de Courbet et son ami Proudhon pour l’empereur qui avait pourtant offert la Légion d’honneur (refusée par le peintre) et qui le fera finalement emprisonner pendant la Commune, puis contraindre à l’exil en Suisse.

Les entreprises, le ministère de la Culture et les Franc-Comtois ont mis la main à la poche pour récupérer ce tableau. Un exemple d’investissement  assez courant aujourd’hui et qui sensibilise les nations à la peinture et ses attaches locales.

Musée Courbet. 1, place Robert Fernier, 25290 Ornans (Doubs). Tél. : 03-81-86-22-88. Plus d’informations sur le site : www.musee-courbet.fr

 

Cette géographie des oeuvres d’art avait inspiré en 2007 au géographe Pierre Gentelle une lettre de Cassandre  dont voici un extrait :

L’Eurjapamérique et la géographie de ses musées

On entend des craquements bizarres dans l’image des musées, aujourd’hui. Voilà, nous dit-on, que les objets se mettent à la mobilité, dessinant l’ébauche d’une nouvelle géographie de la distribution des trésors culturels. Après la bondieuserie qui a saisi l’Unesco et le moindre maire de village concernant les vestiges de trois pierres superposées datant de plus de trente ans, voilà que les conservateurs (ni politiques, ni alimentaires, mais bel et bien le personnel des musées) se mettent à redistribuer dans les espaces et territoires terrestres les collections accumulées plus ou moins légitimement pendant les siècles précédents.

L’universalité du musée dans le monde actuel , telle qu’elle est vécue dans les pays riches de l’Eurjapamérique, correspond au regard que nous portons sur nos accumulations, comme si nous sentions confusément qu’avec le basculement du monde vers l’Asie, il serait temps de redistribuer plus proprement les choses, et en particulier les témoins culturels d’un passé qui risque de nous ensevelir d’autant plus vite qu’on s’empresse de le mettre au jour au moyen de fouilles multipliées, dites de sauvetage. Que voulons-nous sauver ? Les objets ou nous-mêmes ?

Quelle prémonition diffuse nous rend-elle soudain sensibles au fait que le musée n’est pas éternel, même si, comme disait le poète « le buste survit à la cité » ? Sommes-nous en train, sous prétexte de faire connaître à chacun des humains à naître les merveilles de beauté et d’habileté créées par des individus exceptionnels, autant artisans qu’artistes, sommes-nous donc en train de signaler au monde entier que nos entassements dans des réserves (à l’instar des animaux, protégés eux aussi) doivent être une deuxième fois mis au jour hors des musées (sorte de re-naissance) pour être assurés de survivre ?

Quand le directeur du British Museum ose écrire que « nos grands musées encyclopédiques doivent faire voyager leurs collections. Ils doivent devenir des bibliothèques de prêt mondiales. Il faut aller [les montrer, les faire voir] en Afrique ou en Inde… », voilà qui annonce un changement majeur dans la géographie de l’œuvre d’art. (lire la suite ici)

 

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