La Corée du Nord, un cauchemar orwellien


L’une des couvertures du roman d’Orwell

Avez-vous lu 1984, de George Orwell ? Souvent cité, et surtout son si fameux Big Brother, le roman mérite l’attention. On pourrait le conseiller à quiconque souhaite comprendre de l’intérieur à quoi ressemble un régime totalitaire et une société concentrationnaire. C’est certainement l’un des romans les plus durs, les plus violents et, en somme, les plus terrifiants jamais écrits, car il donne une image très fidèle de la réalité totalitaire. Sorti en 1948, (son titre n’en est qu’un anagramme), il décrit l’univers stalinien avec un réalisme effroyable. Son triste héros, Winston Smith, y est inexorablement broyé. Le point d’orgue insoutenable, étant le moment où les services chargés des interrogatoires imaginent pour chaque prisonnier la torture, c’est-à-dire la pire chose que l’on puisse imaginer pour détruire psychiquement quelqu’un. C’est ce qui arrive à Winston qui, ensuite, réduit à l’état de carcasse humaine, annihilé dans sa dignité et devenu, donc,  inoffensif pour le régime, peut regagner le monde « normal », définitivement écrasé.

Dans le cas de la Corée du nord, cela va encore plus loin. La destruction physique semble s’ajouter à la destruction mentale des détenus. Un récent rapport de l’ONU affirme que « des crimes contre l’humanité sont actuellement commis » en Corée du nord.  L’État nord-coréen dément. Que peut-il faire d’autre ? Mais à lire les témoignages des rescapés, on fait des parallèles avec les camps d’extermination nazis. Même système, mêmes méthodes, mêmes buts. On connaît la série des « livres noirs » sortis il y a quelques années sur le communisme ou le nazisme. Ces idéologies ont engendré des morts par millions. Mais le dossier n’est pas clos. Certains systèmes peuvent se perpétuer alors que le paradigme qui les soutenait est devenu caduc.

La Corée du nord est un reliquat de la Guerre froide tenue à bout de bras par la Chine. Elle est une sorte de fossile politique perdu au XXIe siècle, mais tenue d’une main de fer par des dirigeants paranoïaques et imprégnés d’une idéologie implacable. Depuis la guerre de Corée en 1952 qui a donné naissance aux deux Corée, la ligne de démarcation entre les deux pays est l’une des plus fermées au monde. La Corée du Nord est un « état garnison quasi parfait » selon Andreï Lankov, de l’université Kookmin de Séoul, dans The Real North Korea (Oxford University Press, 2012), cité dans un article du Monde.

L’un des dessins reproduits sur le site de l’ONU

Les dessins réalisés d’après les témoignages des rescapés font froid dans le dos, et rappellent les camps nazis. Mais si l’on songe aussi aux témoignages des Pussy Riots enfermées dans les pénitenciers russes, on peut légitimement se demander à quel point le XXe siècle est terminé.

Camp de prisonniers politiques No. 25, Chongjin, North Hamgyong Province
Analyse: U.S. Committee for Human Rights in North Korea © Digital Globe
Localisation des camps de prisonniers en Corée du Nord

La géographie des camps de concentration devrait être un objet d’étude pour historiens, mais hélas leur actualité reste vive. Les Nations unies proposent une carte de localisation des principaux camps en Corée du Nord : le nombre de détenus est compris entre 80 000 et 120 000 personnes, toujours selon l’ONU. L’organisation des camps rappelle aussi celles des camps de Pologne (voir ci-contre).

Si le rapport des Nations Unies est sans équivoque, le démenti officiel apparaît comme un mensonge de plus de la part d’un régime bâti sur la terreur et le repli sur soi. Là aussi, le parallèle avec Orwell est évident : la « minute de la haine » du roman contre un ennemi fabriqué de toutes pièces, l’effervescence guerrière permanente contre des ennemis imaginaires ou réels, et les parades militaires impeccables (comme celle que l’on voit ci-dessus), font partie d’un système parfaitement orchestré, décrit par Hannah Arendt en son temps. Idéologie imaginée par Benito Mussolini (c’est lui qui a inventé le terme), le totalitarisme se survit avec une violence inouïe.

Vulnérabilité à l’insécurité alimentaire en 2008. Source: ONU

Famines, tortures, viols, avortements forcés, ont provoqué des centaines de milliers de morts  depuis la mise en place du régime actuel. La question est de savoir combien de temps encore celui-ci pourra durer.

Pour le frère du dirigeant actuel, le régime est appelé à s’effondrer car, insoutenable économiquement, il ne pourra résister à des réformes économiques réelles. Puisse-t-il avoir raison.


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