Forteresse Europe, citadelle France


Le récent scandale autour de l’arrestation puis de l’expulsion de Leonarda Dibrini, avec sa famille, tous ressortissants kosovars, fait écho aux morts de Lampedusa et à toute une cohorte de fantômes de migrants morts aux portes de l’Europe.

Cachez ces migrants que nous ne saurions voir… Geographica a déjà abordé le problème des frontières de l’Europe dans différents articles. C’est une question constamment d’actualité, et pour cause.

Il est consternant de voir que, alors que les morts s’accumulent, on ne nous parle que d’augmenter encore la surveillance à nos frontières.

Il fut un temps où le déplacement des hommes sur terre ne requérait ni visa, ni passeport, ni quoi que ce soit. Mais en cette époque de solidification des mouvements, tout demande autorisation, contrôle et patente. Comme nous l’avons déjà dénoncé, les aéroports sont une préfiguration angoissante de l’espace mondial, livré à la seule logique de contrôle policier et marchand, au détriment des plus élémentaires réflexes d’entraide ou de solidarité.

Un détournement d’affiche par Teacher Dude’s Grill and BBQ

Frontex, cette agence européenne dédiée aux frontières, dépense beaucoup d’argent et déploie une débauche de moyens techniques pour nous protéger des barbares actuels. Comme le limes romain, la frontière de l’Union européenne avec le monde extérieur représente la limite entre les gens bien et le reste. On ne plaisante pas avec ça.

Une petite évocation des techniques de surveillance…

Le reste, c’est tout le reste de la planète, et l’Europe donne l’impression d’être un club pour gens riches, trop contents de rester entre eux. Malgré la tempête financière autour de la crise de la dette, malgré les milliers de morts parmi les clandestins qui essaient de parvenir en Europe, malgré toutes les études qui prouvent que de toute façon les migrants passeront, les états de l’Union et la France persistent à pourchasser les clandestins, fabriqués par un système par essence injuste et inhumain.

La preuve? Les arrestations d’enfants en pleine classe, que l’on croyait révolues, refont surface. Entre la bataille des chiffres sur les migrations d’un côté, et les situations concrètes des migrants, on voit bien tout le fossé qui sépare les grands discours sécuritaires généraux et les cas concrets, humains.

L’Europe coloniale a exploité avec férocité le vaste monde pour bâtir sa propre richesse. Ce n’est pas une caricature. Et à présent, elle s’enferme dans une forteresse comme un coffre fort en espérant ne devoir de compte à personne. Mais il se pourrait bien qu’elle avale la clef.

Les écarts de richesse entre pays riches et pauvre est telle à présent que la « réponse » des pauvres est l’enlèvement crapuleux: un Occidental enlevé se monnaye bien; c’est une source de revenus. Alors que l’on nous serine avec la liberté de circulation, la réalité n’a jamais été aussi cadenassée: les riches se font enlever, les pauvres meurent sur des rafiots pourris après s’être ruinés pour des « passeurs » pires que des proxénètes: des proxénètes de frontières qui prostituent les droits de l’Homme.

Quiconque a fait la queue dans le froid pendant des heures pour obtenir un rendez-vous à la préfecture de Police pour ensuite se faire suspecter et maltraiter par des fonctionnaires hostiles comprendra que le simple fait d’avoir des papiers en règle relève de l’exploit. Et mieux vaut être francophone au départ, sinon votre sort est vite réglé. Les fameuses lois Pasqua n’ont jamais été remises en cause, alors qu’elle fabriquent des sans- papier.

Parler de générosité, des droits de l’homme alors que la réalité bête et concrète contredit frontalement ces discours, c’est un scandale qui dure trop.

Mieux vaudrait engager une vraie réflexion sur la politique migratoire de l’Union. Au lieu de cela, on refoule, on expulse, on se voile la face devant des situations humaines souvent terribles. La pièce de Mnouchkine jouée à la Cartoucherie en 2003, le Dernier Caravansérail, le rappelait avec beauté et dureté: l’Homme bouge sur terre, et vouloir l’éviter, c’est se condamner soi-même à l’immobilité de la mort.

Ci-dessus: un soldat grec de Frontex à la frontière Grèce-Turquie

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